Souvenirs d'un bouilleur ambulant de l'Hérault

Un bouilleur ambulant de la vallée de l'Orb & du Jaur

Henri Marsal est le dernier bouilleur ambulant à avoir offert ses services aux bouilleurs de cru de l'Hérault avant que je ne reprenne le flambeau quelques années plus tard. Il a totalement cessé son activité en 1994, il avait 74 ans.
Je ne connais pas la date du début de son activité, mais je crois qu'il avait repris l'atelier de son père, probablement un peu avant ou un peu après la seconde guerre mondiale.

Au départ, Henri Marsal distillait les marc des prestations viniques avec un alambic à vapeur à 3 vases installé en poste fixe au Poujols/Orb et faisait les tournées avec un petit alambic à jet continu pour distiller le vin des bouilleurs de cru.
Après l'explosion spectaculaire de l'alambic à vapeur en 1957, Henri Marsal s'est cantonné aux tournées ambulantes de la région. Il occupait les ateliers publics de Faugères et de Caussiniojouls ou j'ai distillé moi-même bien des années plus tard, ainsi que celui de Saint Étienne d'Albagnan où j'ai en projet l'ouverture d'un atelier traditionnel. Ses collègues Camberoque d'Hérépian, Pinroux de villeneuve les Béziers, Dupin de Bédarieux, et Lamarque de La Tour/Orb lui ont tour à tour cédé leurs tournées en prenant leurs retraites, ce qui nous rappelle que les alambics étaient à l'époque aussi communs qu'aujourd'hui les cafés, les pharmacies dans les villages…

Voici l'alambic destiné au vin des bouilleurs de cru des hauts cantons de l'Hérault. Alambic ambulant à jet continu

Le vin était pompé avec la pompe manuelle placé sur le chassis de l'installation (visible à gauche de la bétonnière) dans le cylindre de cuivre située en haut de l'appareil pour couler dans la colonne de gauche. Sous celle-ci se trouve le foyer alimenté ici au bois ou au charbon : les plateaux de la colonne sont le lieu d'échange du vin (qui descend)  et de l'alcool (qui monte) ; les déchets (eau, tanins…) sont évacués en bas de celle-ci. Les vapeurs sont conduites dans le concentrateur situé à droite de l'appareil (en passant à travers le cylindre de vin, le pré-chauffant à la même occasion), pour être recueillies condensées, au degré désiré (en général plus de 80°). L'alcool ainsi concentré est refroidi par l'eau qui coule depuis la citerne noire située tout en haut de l'appareil.
Ce type d'alambic, qui est finalement un genre de colonne midi encore courante dans l'industrie, est habituel pour la distillation de l'Armagnac et souvent du Calva. Il a la particularité de permettre un réglage précis du degré alcoolique du distillat, ce que ne permettent pas les alambics à fonctionnement discontinus (comme les charentais), en revanche, il ne distille que des matières liquides.

Cette colonne située au-dessus du foyer est composée de plusieurs anneaux de cuivres.colonne de rectification Au début de la saison, Henri Marsal allait acheter un sac de farine pour en faire les joints : le sac en toile de jute était découpé en bandelettes pour former les joints et la farine servait de ciment pour luter hermétiquement l'ensemble. 
Merci à Richard Marsal, son fils, pour le témoignage.  Matthieu et Richard Marsal

Post-Sriptum (mis à jour le 27/7/11) :

Claude Caumette, le fils du dernier bouilleur ambulant de la dommune de Faugères me signale que cet alambic est d'un modèle identique à celui utilisé par son père de 1941 à 1957, date de la cessation de son activité, et date de l'explosion du premier alambic d'Henri Marsal justement. L'alambic de Caumette appartenait alors à Techené, bouilleur ambulant du faugérois (Faugères, Causiniojouls, Gabian…) jusqu'en 1941, il a été détruit par les indirects en 1957. Ce type d'alambic semble avoir été courant dans la région (un autre appareil, non en service, est exposé durant la foire des vieux métiers de Murat -Tarn- au mois d'aout chaque année), mais je ne connais pas le nom du fabricant.

J'ai goûté chez Claude l'alcool produit par cet appareil dans les années 50' : c'était un 3/6 assez fort (environ 90°), très fin.

C'est également Claude qui a fourni les informations sur la distillerie Noël Salles dans cet article.