Brulaire de VI

Les vieux métiers du Clapas : Lou Brulaire de Vi

J'ai reproduit un chapitre du livre Dins la carrieiras des Clapas (Dans les rues de Montpellier) de E. Marsal décrivant le bouilleur ambulant tel que les souvenirs de l'auteur le racontent en 1898, c'est dire si la scène, déjà ancienne à l'époque commence à remonter (peut-être 1850 ?) !

Faute de place, j'avais omis de reproduire le texte original en occitan "officiel" de l'époque, c'est à dire le provencal de l'auteur de Mireille : Frédéric Mistral (l'occitan "normalisé" du mouvement calandretas n'existait pas encore). Pour réparer cet oubli, et ce manque de respect pour la distillation en Langue d'Oc, voici le texte original, accompagné de son illustration et de la traduction faite par mon fils Élie Frécon.

      DlNS LAS CARRIEIRAS DAU CLAPAS (extrait) Lou Brulaire de Vi

per E. Marsal ; éd. G. Firmin & Montane, imp.
à Mount-Pelié, devalada de Sant Pèire, 1896.

LOU BRULAIRE DE VI


   Brulà de vi! brulà de vi! Es Iou crid que s'entendiè autra fes per la vila avans que lou brulaire aguèsse establit soun quartiè generau au pèd de l'estatua de brounze dau paire de l'aiga-ardent, Edouard Adam, que s'auboura sus lou plan de la Saunariè.
   Brulà de vi! brulà de vi! Antau anounça encara soun arrivada dins lou vilage ounte, l'an demandat.
Cridarà lèu aquel que venèn de veire quità lou plan, soun labouratôri sus l'espalla, dindant à chaca pas. S'envai galoi, zounzounant un refrin de soun païs, belèu aquel èr pirenenc que nostes grands an adoubat à la cansou lengadouciana : « A 1'oumbra dau bouscage ».
   Lous brulaires de vi nous vènoun mai-que-mai dau païs Basque. De bona oura saguèroun aprecià las qualitats dan vi rcnoumat de Jurançoun, aquel lach que tetèt lou bon rèi Enric IV.
   Lou destilèrou per amassa soun precious estrach e s'en countentèrou jusqu'au jour que s'acaminant de-vers lou Lengadoc, descurbiguèroun nostes creis de Sant-Jôrdi, de Langlada, de SantCristôu e autres vis de l'Erau, Alor venguèrou planta bourdoun au Clapàs per travalhà aqueles vis famouses e assetà la renoumada de l'aiga-ardent de Mount-Peliè.
   En aquel titre, lou brulaire a drech à nosta reconnouissença, e souvetan de bona besougna, en gramecis de soun pertrach que nous dona, en aquel valent que s'envai de bon mati à l'obra .

      LE BRULEUR DE VIN (le brandevinier)


   Brûlez du vin ! Brûlez du vin ! C’est le cri qui s’entendait autrefois à travers la ville avant que le brûleur n’ait établi son quartier général au pied de la statue de bronze du père de l’eau-ardente Edouard Adam, qui se dresse sur la place de la Saunarié.
   Brûlez du vin ! Brûlez du vin ! Ainsi annonce-t’on encore son arrivée dans le village où il est demandé. Il criera bientôt celui que nous venons de voir quitter la place, son laboratoire sur l’épaule, se balançant à chaque pas. Il s’en va joyeux, chantonnant un refrain de son pays, peut-être cet air pyrénéen, dont nos
anciens ont fait la chanson Languedocienne : A l’ombra dau boscage.
   Les brûleurs de vin viennent plutôt du pays Basque. Autrefois, ils savaient apprécier les qualités du vin renommé du Jurançon, ce lait que téta le bon roi Henri IV. Ils le distillèrent pour recueillir son précieux arôme et s’en contentèrent jusqu’au jour où, cheminant vers le Languedoc, ils découvrirent nos crus de Saint Georges de Langlade, de Saint Cristophe et autres vins de l’Hérault. Alors ils vinrent planter leurs bourgeons* au Clapas pour travailler ses vins fameux et asseoir la renommée de l’eau-de-vie de Montpellier.
   A ce titre, le Brûleur de vin a droit à notre reconaissance, en hommage à sa bonne besogne, en le remerciement pour le portrait qu’il nous donne, un homme vaillant qui se met de bon matin à l’oeuvre.


* c'est-à-dire : prendre racine.

Traduction Elie Frécon.