L'Atelier Public de Distillation
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Un film à l'Atelier d'Autignac…
- Le 14/07/2017
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Une vidéo filmée à la distillerie d'Autignac en 2010.
Merci à "Autignacois" pour la prise de vue et le montage !
Lien direct : https://www.youtube.com/watch?v=2IX2xDx_73Q
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Distille à Sion
- Le 10/12/2016
- Dans L'Atelier Public de Distillation
La distille à Sion…
Non, je ne suis pas en Orient, dans l'un des berceaux de la distillation des plantes aromatiques et de l'alchimie… Mais près de Sion dans le Valais suisse pour un projet de distillation dont je vous parlerai plus bientôt.
J'ai souvent fait l'éloge des distillateurs suisses et de leur administration, la Régie Fédérale des Alcools (RFA). Il se trouve que l'alambic fait partie du patrimoine de ce beau pays tout autant qu'en France, et dans presque tous les pays du monde en fait…
Mais je m'égare…
La tradition de la distillation familiale en Suisse reste développée et les bouilleurs familiaux (c'est le nom local pour les bouilleurs de cru) ne manquent pas d'apporter leur tonneau à la distillerie locale. Ces distilleries sont le plus souvent d'anciennes installations ambulantes qui se sont sédentarisées, pour des raisons de confort le plus souvent. En Suisse, tous les producteurs ont le droit de faire bouillir leur cru, les taxes à verser sont d'environ 29 CHF par litre d'AP, ce qui est moins cher qu'en France si l'on tient compte de la différence du niveau de vie qui est bien supérieur chez les Hêlvètes (d'ailleurs ils ne mettent pas de trous dans leur gruyère). Il y a une remise pour les agriculteurs pour les 30 premiers litres (avant, c'était 5 litres, mais l'administration à décidé que 30 litres, c'est mieux et ça fait moins de papiers à remplir). Jusque-là, ça ressemble à la France. Là où ça commence à différer, c'est que les producteurs peuvent vendre leurs eaux-de-vie purement et simplement dès qu'ils ont payé l'impôt (les 29 francs ou moins) et qu'ils déclarent leurs gains en fin d'année.
Là où ça diffère franchement, c'est au niveau de la relation avec l'administration, mais je vais essayer de ne pas entrer trop dans les détails parce que c'est un sujet douloureux pour les bouilleurs français… Disons simplement que la Suisse est un état démocratique et que l'administration est au service de la population pour appliquer les règlements qu'elle a voté. Il n'y a donc pas de raison d'être en conflit généralisé puisque tout le monde (les bouilleurs et l'administration) travaillent dans le même sens (oui, je sais, je suis un peu enthousiaste, mais plus je connais la situation ici en Suisse, plus je le reste. Pourvu que ça dure !).
Bref…
J'avais déjà parlé de mon ami et collègue Armin Marchon (www.brennerei-marchon.ch/), près de Berne qui distille en propre production, fait de la prestation de service et déambule quelques semaines dans les campagnes proches de Bösingen. Voici maintenant quelques souvenirs de mes voisins et amis dans le Valais : la distillerie Tissières à Saint Léonard (https://www.valaisannet.com/alimentation/distillerie/tissieres-distillerie-a-st-leonard-en-valais.html) et celle de Charly Sauthier à Charrat (https://yellow.local.ch/fr/d/Charrat/1906/Distillerie/Sauthier-Fils-SA-dNDDnep4-cgxD5NQAvQp2w).
La distillerie Tissières à St. LéonardFlorence Thieblot, une paysanne-distillatrice du Valais dont je vous reparlerai bientôt…
Il y en a d'autres, mais je ne les connais pas encore (la Suisse, c'est comme le Maroc : on se fait des amis très facilement et il n'est pas facile de les laisser pour poursuivre son chemin - loin de moi l'idée de m'en plaindre !). Ces deux distilleries ont des alambics à vapeur avec 2 vases de 120 litres. Les clients amènent leurs bidons et viennent chercher leur gnôle le lendemain comme dans les campagnes de France. L'alcool est en général réglé à 50°. Le fait que les paysans vendent souvent leur production participe à la perpétuation de la tradition et l'alcool consommé en Valais est loin d'être exclusivement d'origine industriel comme en France.La distillerie Charly Sauthier à Charrat (au fond, un alambic Holstein à vapeur).
Frédéric pèse le Génépi d'Isabelle Gabioud ("Les Simples"), productrice de plantes aromatiques et médicinales (et de génépi…) valaisanne.
J'ai découvert ici une tradition de macération de plantes dans les moûts que je ne connaissais pas en France, et les fermiers suisses ont souvent une très bonne connaissance des plantes sauvages. Ici, on met souvent des plantes (génépi surtout, mais aussi tout un tas d'autres comme l'achillée musquée &c… je reviendrai là-dessus dès que je serai un peu plus cultivé en plantes sauvages) dans les fruits mis à fermenter (coings, ou une poire peu aromatique par exemple). D'ailleurs on boit beaucoup d'absinthe dans les bistrots (surtout au café du Mont-Fort à Sarreyer, je vous en reparlerai bientôt !) ce qui est un signe de cette familiarité des valaisans avec les herbes (entre parenthèses, il y a des herboristes ici… Ce statut avait été supprimé comme en France, mais il a été réintroduit. C'est donc possible ! Qu'on se le dise !).Je pense que je vais rester un peu ici en Valais, entre les plantes et les eaux-de-vie médicinales…
(Mais que disent-ils devant leur marmite ?)
PS. Pour le titre, désolé, je n'ai pas trouvé mieux, ni pire d'ailleurs… -
Combien de litres dans mon tonneau ?
- Le 15/02/2016
- Dans L'Atelier Public de Distillation
A l'attention des nouveaux controleurs des douanes qui ont parfois du mal à s'y retrouver dans l'univers fascinant de l'entrepôt du distillateur…
(…) Voici la table pour calculer le volume de liquide que contient une barrique…
(la même en PDF : calcul-du-remplissage-des-barriques.pdf (820.61 Ko) )
… Pour t'en servir tu dois mesurer avec une tige la hauteur du liquide (le "mouillé") ainsi que la hauteur jusqu'à la bonde.
Tu divises la première par la seconde ce qui te donne un nombre dont tu prends les premiers chiffres après la virgule.
Dans la table, ce nombre correspond à un autre que tu multiplies par le volume total de ta barrique.
Exemple:
Si tu as 50 de hauteur totale et 40 de mouillé, 40 / 50 = 0,80
80 correspond à 8764 sur la table.
Si ta barrique fait 120 litres, alors 8764 X 120 = 1051680
Tu gardes les 3 premiers chiffres et tu as la quantité de liquide, soit 105 litres dans l'exemple. (…)
La calcul a l'air assez simple (!), mais pour moi la barrique reste un récipient à l'hermétisme insondable…
Merci à Quentin Le Cléach (http://www.atelier-du-bouilleur.fr/) et à Philippe Cayrol (http://www.groupeudm.com/) pour cette table et le mode d'emploi !
Sur Gallica, le document en entier : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1167282s/f1.image
(Merci Pierre-François pour le lien !)
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anatomie distillatoire
- Le 15/01/2014
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Anatomie distillatoire
Des parties de l'alambic, le col de cygne est supposément la plus belle, juste devant le serpentin, laissant loin derrière marmite ou éprouvette…
En y regardant bien, il n'est pas toujours évident de voir un col de cygne dans ce tuyau qui transporte les vapeurs entre la partie qui chauffe et celle qui refroidit les esprits.
Alambic à "Tête-de-Maure" ou "Trompe d'éléphant" - à droite, le tuyau est dit "Col de cygne"…
En fait, il faut aller voir du côté des alambics des parfumeurs, ceux de l'époque où Grasse embaumait la Haute Provence…
Voici deux appareils de cette époque (XVIII° et XIX° siècles) dont la grâce évoque le volatil
Voici un joli exemple de combiné chapiteau/col de cygneLe serpentin, tout aussi fascinant qu'il soit, il est d'ailleurs dans l'imaginaire populaire le résumé de tout l'appareil (Tout pour la gidouille ! disait Rabelais), n'est pas toujours aussi gracieux. Mais il n'est pas étonnant que l'animal rusé qui lui a donné son nom, animal doué de parole bien avant l'homme lui-même si l'on en croit la genèse, et qui est en fait la grâce incarné, soit le symbole de l'appareil distillatoire tout entier.
Ceux-ci sont en plomb, comme cela se pratiquait souvent autrefois.
(ci-dessous)
Collection et photos Emmanuel Dalla Favera (Merci Manu pour le beau travail !) -
Le Privilège des Bouilleurs de Cru est prolongé à vie !
- Le 23/12/2011
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Une bonne nouvelle pour les fêtes…
Les deux syndicats de bouilleurs (celui des bouilleurs ambulants -les distillateurs-, et celui des bouilleurs de cru - ce n'est pas la même chose) viennent de me prévenir qu'un amendement de l'assemblée nationale vient d'être ratifié par le sénat et devient donc applicable. Cet amendement stipule que le privilège de bouilleur de cru vient d'être prolongé à vie, permettant à leurs bénéficiaires une détaxe totale sur 10 litres d'alcool pur (soit environ 20 litres d'eau-de-vie, c'est les fameux "1000°") distillés par campagne.
Les bouilleurs de cru non privilégiés continuent de bénéficier de la remise de 50 % sur la même quantité (10 litres d'alcool pur par an).
Pour tous, l'alcool supplémentaire est taxée "plein pot" (soit environ 16 € / litre d'AP), plein pot à gnôle évidemment.
Pour la "petite" histoire, ces deux syndicats ont passés ensemble ou séparément beaucoup d'énergie à trouver une solution pour que ce perpétue la tradition de l'eau-de-vie du récoltant amateur, appelé bouilleur de cru, leur "privilège" (c'est-à-dire une détaxation sur 10 l. d'AP) n'étant plus accordé depuis une loi passé sous Paul Ricard Mendès-France dans les années 60'.
Le syndicat des bouilleurs de cru (FNSRPE, soit Fédération Nationale des Syndicats de Récoltants et Producteurs d'Eau-de-vie) a choisit une solution d'avenir qui consiste à accorder une détaxe de 50 % pour tous les récoltants qui veulent faire distiller leur eau-de-vie familiale. Une loi est passée dans ce sens en 2002. En revanche, le privilège devait disparaître dans les 5 ans.
Le syndicat des bouilleurs amblants (FNBAPF, soit Syndicat National des Bouilleurs Ambulants et presseurs à Façon) à décidé de prendre la relève et protéger le privilège des anciens bouilleurs de cru. Un premier amendement avait permit la continuation de celui-ci jusqu'en 2007, puis, 2012, enfin, cet ultime prolongation en assure la perpétuation à vie.
Souhaitons que cette décision reste longtemps dans l'histoire du privilège des bouilleurs de cru…
Quelques précisions sont peut-être utiles pour comprendre pourquoi les deux syndicats n'ont pas toujours été dans le même sens (mais, heureusement, les résultats qu'ils ont obtenus sont complémentaires).
Les bouilleurs de cru syndiqués sont très souvent membres de syndicats locaux qui leur permet de distiller eux-même leur propre eau-de-vie à l'alambic communal. Ce ne sont que très rarement des bouilleurs de cru qui portent leurs fruits chez un bouilleur ambulant. Il y a aussi une partie non négligeable ce ces bouilleurs syndiqués qui réside en Alsace et en Lorraine, ce qui leur permet de distiller chez eux eux-même leur cru.
Les bouilleurs ambulants syndiqués (ou non d'ailleurs) distillent pour des bouilleurs de crus qui sont en général privilégiés, et ne sont que très rarement syndiqués (leur distillateur l'est pour eux). Ces bouilleurs ambulants traditionnels ont donc une clientèle à grande majorité privilégiés, ce qui explique qu'ils soient si attachés à la protéger. Ces bouilleurs de crus devaient être exploitants agricoles au plus tard pendant la guerre d'Algérie et sont en général très âgés aujourd'hui.
Voici les raisons pour lesquels ces deux catégories de bouilleurs sont à la fois différentes et complémentaires.
Pour finir, rappelons qu'il est actuellement interdit à un récoltant (qu'il soit exploitant agricole ou non) de distiller lui-même son cru chez lui : il peut le faire légalement dans le cadre d'un syndicat communal qui gère le fonctionnement d'un alambic associatif (c'est une association déclarée notamment aux douanes). S'il n'a pas la possibilité d'adhérer à un tel syndicat, il doit en général passer par les services d'un bouilleur ambulant.
La première raison pour cela est que la possession d'un alambic est réservée au professionnel (ou à une association du type syndicat communal). En tous cas, il est interdit à un particulier de posséder un alambic (sauf en Alsace-Lorraine) même s'il veut faire de petites quantités, même s'il distille des huiles essentielles (dura lex…).
Personnellement, étant moi-même bouilleur ambulant, je considère que le bouilleur de cru, c'est-à-dire l'amateur, ou plutôt, le passionné de l'eau-de-vie maison est notre client et à ce titre, on doit le servir et l'aider à réaliser sa passion. De plus, même si le membre d'un syndicat communal qui distille lui-même à l'alambic de son coin n'est pas un client pour nous, nous devons tous (bouilleurs de cru et bouilleurs ambulants) être solidaires et se soutenir pour que survive la tradition de l'eau-de-vie maison et de l'alambic artisanal : notre époque à besoin de nous (et là je plaisante à peine…).
Il se trouve que dans ma région, les clients que je sert (ou qui se servent s'ils utilisent mon matériel - sous ma responsabilité quand même -) ne sont pas privilégiés, et ce nouvel amendement ne me concerne pas directement. Mais je salue le travail de mes confrères du syndicat et souhaite de très bonnes fêtes à nos anciens privilégiés, et à leurs distillateurs !
(pour plus de détails sur les questions du privilège, vous pouvez vous reporter à mon livre "L'ALAMBIC", pages 54 à 74).
Et je profite de cet article sur la distillation traditionnelle pour joindre le 1° numéro de la "Gazette de l'Alambic" du syndicat viticole de Charrey (Côte d'Or) gazette-de-l-alambic.pdf (merci à Marc Lefils et aux membres de ce syndicat pour la communication et l'autorisation de reproduire ce document). -
Une journée de distillation
- Le 01/11/2011
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Une journée à l'atelier de distillation
Notre petit atelier de distillation du faugérois (région de l'appellation "Faugères", située entre Béziers et Bédarieux, dans l'Hérault) est spécialisé dans la distillation des vins : vins de Faugères pour la "Fine Faugères", de Montpeyroux pour la "Fine de Montpeyroux", ou encore la "Fine de Muscat de Frontignan" et autres Eaux-de-vie de vins du Languedoc…
Mais toute l'année, je distille toutes sortes de moûts : des fruits, de la bière, des roses &c…
La semaine dernière, nous avons eus (moi-même accompagné des bouilleurs de cru et d'alcoollègues en herbes) une journée intéressante : nous avons cuit des figues, du vin de miel, et saccharifiés des châtaignes.
Les figues :
La fermentation en milieu trop peu hermétique (le couvercle des bidons n'était pas complètement fermé) a produit un moût plus ou moins piqué. De plus, l'une des cuites a attaché au fond de la marmite de l'alambic à feu nu (le très faible degré m'a engagé à pousser un peu trop le feu, fatale erreur qui coûte plusieurs heures de nettoyage). Les prochains bidons seront distillés au bain-marie.
Le miel fermenté (il s'agissait de lies d'hydromel) est extrêmement aromatique, comme il colle facilement, je l'ai distillé au bain-marie : la première passe (je distille tout en deux passes) est déjà très prometteuse.
La châtaigne contient beaucoup de sucre potentiel sous forme d'amidon : il faut donc la préparer selon l'art du brasseur (comme les vodka et autres whiskies). La première étape est donc la saccharification. Il s'agit de faire cuire le fruit avec des enzymes en faisant des paliers à des températures précises, spécifiques à chaque matière première. La pâte sucré qui en résulte est alors mise en fermentation avec des levures.
…Vous aurez la suite au prochain numéro, à la fin de la fermentation ! -
Souvenirs d'un bouilleur ambulant de l'Hérault
- Le 04/07/2011
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Un bouilleur ambulant de la vallée de l'Orb & du Jaur
Henri Marsal est le dernier bouilleur ambulant à avoir offert ses services aux bouilleurs de cru de l'Hérault avant que je ne reprenne le flambeau quelques années plus tard. Il a totalement cessé son activité en 1994, il avait 74 ans.
Je ne connais pas la date du début de son activité, mais je crois qu'il avait repris l'atelier de son père, probablement un peu avant ou un peu après la seconde guerre mondiale.Au départ, Henri Marsal distillait les marc des prestations viniques avec un alambic à vapeur à 3 vases installé en poste fixe au Poujols/Orb et faisait les tournées avec un petit alambic à jet continu pour distiller le vin des bouilleurs de cru.
Après l'explosion spectaculaire de l'alambic à vapeur en 1957, Henri Marsal s'est cantonné aux tournées ambulantes de la région. Il occupait les ateliers publics de Faugères et de Caussiniojouls ou j'ai distillé moi-même bien des années plus tard, ainsi que celui de Saint Étienne d'Albagnan où j'ai en projet l'ouverture d'un atelier traditionnel. Ses collègues Camberoque d'Hérépian, Pinroux de villeneuve les Béziers, Dupin de Bédarieux, et Lamarque de La Tour/Orb lui ont tour à tour cédé leurs tournées en prenant leurs retraites, ce qui nous rappelle que les alambics étaient à l'époque aussi communs qu'aujourd'hui les cafés, les pharmacies dans les villages…Voici l'alambic destiné au vin des bouilleurs de cru des hauts cantons de l'Hérault.
Le vin était pompé avec la pompe manuelle placé sur le chassis de l'installation (visible à gauche de la bétonnière) dans le cylindre de cuivre située en haut de l'appareil pour couler dans la colonne de gauche. Sous celle-ci se trouve le foyer alimenté ici au bois ou au charbon : les plateaux de la colonne sont le lieu d'échange du vin (qui descend) et de l'alcool (qui monte) ; les déchets (eau, tanins…) sont évacués en bas de celle-ci. Les vapeurs sont conduites dans le concentrateur situé à droite de l'appareil (en passant à travers le cylindre de vin, le pré-chauffant à la même occasion), pour être recueillies condensées, au degré désiré (en général plus de 80°). L'alcool ainsi concentré est refroidi par l'eau qui coule depuis la citerne noire située tout en haut de l'appareil.
Ce type d'alambic, qui est finalement un genre de colonne midi encore courante dans l'industrie, est habituel pour la distillation de l'Armagnac et souvent du Calva. Il a la particularité de permettre un réglage précis du degré alcoolique du distillat, ce que ne permettent pas les alambics à fonctionnement discontinus (comme les charentais), en revanche, il ne distille que des matières liquides.Cette colonne située au-dessus du foyer est composée de plusieurs anneaux de cuivres. Au début de la saison, Henri Marsal allait acheter un sac de farine pour en faire les joints : le sac en toile de jute était découpé en bandelettes pour former les joints et la farine servait de ciment pour luter hermétiquement l'ensemble.
Merci à Richard Marsal, son fils, pour le témoignage.Post-Sriptum (mis à jour le 27/7/11) :
Claude Caumette, le fils du dernier bouilleur ambulant de la dommune de Faugères me signale que cet alambic est d'un modèle identique à celui utilisé par son père de 1941 à 1957, date de la cessation de son activité, et date de l'explosion du premier alambic d'Henri Marsal justement. L'alambic de Caumette appartenait alors à Techené, bouilleur ambulant du faugérois (Faugères, Causiniojouls, Gabian…) jusqu'en 1941, il a été détruit par les indirects en 1957. Ce type d'alambic semble avoir été courant dans la région (un autre appareil, non en service, est exposé durant la foire des vieux métiers de Murat -Tarn- au mois d'aout chaque année), mais je ne connais pas le nom du fabricant.
J'ai goûté chez Claude l'alcool produit par cet appareil dans les années 50' : c'était un 3/6 assez fort (environ 90°), très fin.
C'est également Claude qui a fourni les informations sur la distillerie Noël Salles dans cet article.
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Visite & interview à l'Atelier Public de Distillation, vidéos
- Le 18/03/2011
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Distillation de prunes :
L'Office du Tourisme de Murviel les Béziers, duquel dépend Autignac, a organisé une visite de mon atelier public de distillation. Dans la vidéo suivante, j'explique en détail le processus de distillation des fruits pour les bouilleurs de cru.
Merci à l'Office du Tourisme pour cette visite très bien organisée, et à Autignacois pour la réalisation de ce film.
(cette vidéo se mettant en route automatiquement, musique comprise, j'ai du défaire le lien que je mets ici, cliquez ici, pour voir la vidéo)
Distillation d'eau-de-vie de Faugère :
J'ai reçu il y a quelque temps les journalistes de la télé régionnale, FR3, qui ont diffusé la vidéo suivante :
Il s'agit de l'eau-de-vie de Faugères qui est l'une des eaux-de-vie que je distille, mais heureusement pas la seule. Ce travail a ça de particulier qu'il est le résultat de la collaboration des vignerons du faugérois (syndicat de l'appelation Faugères), de la distillerie coopérative d'Autignac qui dépend maintenant de l'Union des Distillerie de la Méditerrannée (UDM), et de mon activité de SDF (Sans Distillerie Fixe), de bouilleur ambulant. 3 structures totalement différentes et indépendantes qui collaborent à une production dont l'intérêt est légèrement décalé par rapport à l'économie moderne…
Le syndicat est l'organe de communication entre les vignerons, l'UDM, et moi. Il propose les achats groupés de barriques, de bouteilles… l'UDM met les locaux de la distillerie à disposition pour que je puisse y travailler, gère aussi l'entrepôt des barriques d'eaux-de-vie sur les plans administratif et pratique, propose le suivi de l'élevage &c…, et moi je distille, je goûte…
Ce travail de distillation à façon que je fais pour des professionnels qui vendent leurs eaux-de-vie est une partie importante dans l'économie de ma micro-entreprise. Cela reste complémentaire avec le service que je propose aux bouilleurs de cru, ces amateurs qui distillent, ou qui font distiller -selon leur choix, leurs bonbonnes d'eau-de-vie de fruits pour leur consommation familiale…
Merci à France 3 pour ce reportage.
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L'Atelier Public de Malain (Côte d'Or)
- Le 20/01/2011
- Dans L'Atelier Public de Distillation
L'Atelier de distillation de Malain, en Bourgogne, est tenu par le Guizou, "Bouilleur Ambulant" de 79 ans.
L'alambic est équipé d'un bain-Marie et d'une lentille de rectification style Deroy qui permet de distiller des fruits délicats en une seule chauffe.
L'Alambic de Malain
Le Guizou ne supprime jamais la tête, il arrête la distillation quand l'alcoomètre indique environ 30° et que le distillat (c'est-à-dire la goutte elle-même) fait 50°.
C'est une technique à l'ancienne, qui permet de limiter au maximum les pertes d'alcools, et qui s'adresse à des buveurs confirmés… De cette manière, on ne rajoute pas d'eau pour descendre le degré, ce qui donne une certaine cohérence à cette technique que personnellement je ne pratique pas (je suis partisan d'écarter les têtes et les queues du distillat et de descendre le degré avec une eau de source choisie).
Les Bouilleurs de Cru de Malain ne s'ennuient pas pendant la distillation…
L'atelier de Malain fonctionne pendant 2 ou 3 semaines chaque année en décembre ou janvier, les bouilleurs de cru sont souvent membre du syndicat des récoltants de fruits (FNSRPE).
Merci à Alain, un bouilleur de cru de Malain, pour ce témoignage, et au Guizou pour son travail…
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Devenir distillateur… quelques questions
- Le 22/10/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Comment devenir distillateur
Ce blog a pour vocation de notamment vendre mon livre expliquer comment distiller, ou devenir distillateur légalement, et ce n'est pas toujours facile de trouver des solutions tant les règlements peuvent être décourageants…
En témoigne ce lecteur passionné qui m'écrit cette lettre 3 jours après avoir reçu mon livre (ça fait plaisir d'être lu aussi vite !). Voici quelques réponses à ses questions, qui intéresseront les lecteurs qui souhaiteraient se mettre sur les rangs, ou simplement seront curieux du marathon administratif vécu par les bouilleurs.
Je dois préciser que j'ai eu moi-même la chance (!!!) de fréquenter un certain nombre d'agents de la gabelle puisque j'ai travaillé dans plusieurs régions. Si j'ai eu parfois des soucis, ils étaient de deux sortes : on a pu me tirer les oreilles à cause de ma négligence ou, plus souvent, de mon ignorance du règlement (un simple coup de fil de l'administration aurait très bien pu me permettre un régularisation rapide dans bien des cas, mais la procédure administrative utilisée -lettres recommandée, transfert du dossier vers d'autres services… transforme automatiquement n'importe quelle affaire bégnine en un cauchemar kafkaïen). Par chance, je m'en suis toujours bien tiré et je n'ai jamais eu d'amende (ce qui est rare chez les bouilleurs ambulants). Actuellement, j'ai de très bons rapports (c'est à dire normaux) avec mes bureaux de référence, ce qui vient du fait que nous nous connaissons maintenant bien (et que je suis réglo bien sûr).
Mon souhait profond est que le service des douanes s'occupant de la distillation familiale ou artisanale soit chargé, à l'image de la Régie Fédérale des Alcools suisses (voir "L'Alambic"), non plus seulement de contrôler la production taxable et de punir les fraudes, mais de participer à un réel travail de fond en collaboration avec les fédérations de bouilleurs (syndicats de bouilleurs ambulants ou de bouilleurs de cru par exemple) pour adapter les méthodes aux demandes et aux besoins de cette activité marginale et patrimoniale. Tant qu'un service de contrôle dédié à cette activité ne sera pas créé, il faut s'attendre à des difficultés dues aux différences naturelles qui existent entre les uns et les autres.MAIS, en attendant cette situation utopique, il est souhaitable que, de part et d'autre, des efforts soient fait pour, chacun, faire correctement son boulot. C'est possible, notamment depuis que la distillation familiale est devenu tellement peu importante que le lobby des alcools industriels ne fait plus pression sur le pouvoir pour la supprimer…
Voici ce courrier, avec mes commentaires (et, plus bas, les vôtres, ça serait bien ;-)
Salut Matthieu,
J'ai bien lu ton bouquin, d'ailleurs bravo c'est un chouette ouvrage ! Mais je n'ai pas trouvé toutes les réponses à mes questions, c'est pourquoi je me permets de te contacter personnellement !
De mon coté je viens de haute savoie où il existe encore quelques petites distilleries fixes (toute l'année) et surtout un grand nombre de bouilleurs ambulants !
moi pour l'instant je me contente d'aller distiller mes fruits chez l'alambinier pour faire mon eau de vie et ensuite de préparer tous types de liqueurs avec mon eau de vie de pommes ... Mais j'aurai aimé poussé un peu tout ça en pouvant distiller moi même et commercialiser mes eaux de vie et liqueurs ... Et comme toi laisser les gens venir distiller leurs mouts à l'alambic !
Du coup je fais un ptit courrier à la douane pour avoir quelque réponse à mes interrogations et là elle me précise qu'il n'est plus possible de laisser des gens venir distiller chez soi car c'était un privilège qui se transmettait de père en fils pour les bouilleurs ambulants et c'est tout. Je ne connaissais pas cette loi !?!
Ensuite elle me précise qu'il faut trouver un organisme cautionnaire ! Sans plus de précisions hormis que ce serait certainement la chose la plus délicate à trouver !!! et elle m'a dit ausssi que je n'avais pas le droit de vendre l'alcool à des particuliers ...
Ah et aussi à peu près 18€ de taxe sur la vente de l'alcool pur !!! C'est vraiment autant que ça ou c'est juste pour me décourager ?
Ayant suivi une petite formation en herboristerie, je suis en train de me demander si les HE ne seraient pas plus faciles à produire ?!?
Voila après toutes ces infos je voulais savoir comment toi tu t'étais installé ? le temps que tu avais passé en paperasse avant de pouvoir vendre ?
Et que produit tu pour la vente ? uniquement la fine de Faugère ?
Si jamais tu pourrais donner ton avis sur ces quelques questions ce serait sympa !! J'ai plein d'espoir en la distillation et pas forcement envie de laisser l'état nous saouler avec leurs alcools industriel .. Mais je ne vois pas trop vers qui me tourner concernant la réglementation et tout ce bazar administratif
Merci d'avance
D'abord, c'est moi qui te remercie pour nous faire part de cette aventure ! maintenant, voyons chaque point :
un privilège qui se transmettait de père en fils pour les bouilleurs ambulants et c'est tout
Comme quoi, il n'y a pas que les particuliers qui croient dur comme fer à la légende de l'hérédité du privilège ! Le problème ici, c'est qu'un fonctionnaire des douanes est supposé connaître la loi, et si ce n'est pas le cas, et on peut lui pardonner, il pourrait quand même être un peu plus prudent, voire se renseigner avant de lancer sa réponse lapidaire. J'ai très souvent connu ce genre de situation et je n'aurais jamais réussi à m'installer si je m'étais arrêté sur ce genre de refus. Tous les douaniers n'ont pas ce fonctionnement à priori négatif avec des simplifications abusives de la réglementation mais on en rencontre encore…
Il faut être très précis dans sa demande, ce qui suppose que l'on sait exactement ce que l'on cherche ; on ne demande pas un conseil aux douanes, on les informe que l'on veut utiliser une disposition précise, ils sauront mieux alors comment gérer correctement la situation.
Si tu souhaites faire de la prestation de service pour les récoltants particuliers (ou même des récoltants professionels), tu dois avoir un statut professionnel (artisan par exemple). C'est tout. L'alambic (ou les alambics) que tu utilisera sera déclaré, l'administration te fournira les papiers nécessaires pour enregistrer tes travaux, déplacer l'alambic, prendre des vacances &c… (et c'est là que tu commences à regretter la cocotte-minute…). Ton lieu de travail s'appellera un "Atelier Public de distillation", c'est le conseil municipal de la commune qui en demandera l'ouverture aux douanes, et tu seras le seul responsable des opérations. Si, comme moi, tu veux exploiter honteusement tes clients en les faisant travailler à la distillation de leur propre cru, tu en as le droit, mais c'est bien toi qui rempliras les papiers et qui garderas la responsabilité des opérations. C'est l'option "Bouilleur Ambulant", même si tu travailles dans un local privé et fixe.
Mais j'aurai aimé distiller moi même et commercialiser mes eaux de vie et liqueurs
il faut trouver un organisme cautionnaire
ça, c'est l'option "Distillateur de profession" qui, effectivement, demande au distillateur un cautionnement bancaire qui garanti aux douanes que les taxes seront payées en cas de disparition du distillateur, ou de banqueroute &c… ça ne sert absolument jamais mais ça fait travailler les banques. Il existe une banque spécialisée là-dedans, c'est l'Étoile, mais je crois que c'est assez cher. Le Crédit Agricole le fait aussi, et en fait fait, pas mal de banques. Personnellement, je dois payer dans les 150 à 200 € par an pour ce cautionnement. Je rappelle que ce cautionnement est exigé quand on a un stock d'alcool en suspension de droit (c'est à dire que les droits d'accises -les taxes sur l'alcools- seront payées lorsque l'alcool sortira de l'entrepôt, ou sera vendu), ce n'est pas obligatoire quand on est bouilleur ambulant, même si l'on a dans son atelier public quelques bonbonnes qui attendent quelques jours que le bouilleur de cru vienne chercher sa goutte (qu'il soit ou non privilégié, c'est à dire qu'il paye ou non des taxes). Ce statut de distillateur de profession demande que tu travailles dans une "distillerie", et non plus un "atelier public", ce qui implique de mettre le local aux normes (installation électrique anti-déflagrante &c…) ; par contre, un régime dit "spécial petites distilleries" qui s'adresse à tout ce qui n'est pas vraiment industriel (je ne me souviens plus des limites précises de taille, production &c…) permet l'utilisation d'alambics artisanaux sans compteurs volumétriques avec une comptabilité simplifiée (?). Le distillateur de profession peut acheter, transformer & distiller, vendre de l'alcool et des liqueurs.
On peut évidemment cumuler les deux statuts. C'est mon cas et si je distille toujours dans mon atelier public (prestation de service), je stocke les alcools dans mon entrepôt situé à quelques kilomètres.
que je n'avais pas le droit de vendre l'alcool à des particuliers
18€ de taxe sur la vente de l'alcool pur
Le bouilleur ambulant ne peux effectivement pas vendre d'alcool (ni aux particuliers, ni aux généraux d'ailleurs…) puisqu'il ne possède pas d'alcool ! Le bouilleur de cru ne le peut pas plus puisqu'il distille dans le cadre d'une production familiale (donc pas commerciale, d'où la réduction de 50 % sur les taxes octroyée par l'état). Ce sera le distillateur de profession qui seul sera autorisé à vendre sa production, en payant les taxes dans leur totalité (dans les 18 € par litre d'alcool pur effectivement, soit environ 8 € le litre d'eau-de-vie à 45° -taxes sur l'alcool + taxe sécurité sociale).
Ces taxes sont très lourdes c'est vrai, mais (mis à part les rhums qui ont un régime spécial) c'est valable pour n'importe quel alcool, même vendu en supermarché.
je suis en train de me demander si les HE ne seraient pas plus faciles à produire ?
En effet, c'est évident que ça fait réfléchir…
J'ai plein d'espoir en la distillation
Moi-même, distiller est l'une des très rares activités qui me rend heureux de me lever chaque matin pour aller travailler (mais en fait, je ne distille pas chaque jour…)
Si tu connais les plantes, tu as un atout important, je pense que les techniques et la sensibilité de ces deux types de distillations (alcools et huiles essentielles) sont vraiment complémentaires. Le distillateur de demain (dans l'hypothèse d'un "demain" dans une société en bonne santé) connaîtra les trois aspects de la distillation : alcools, parfums, et médecines.
pas forcement envie de laisser l'état nous saouler
C'est assez bien dit !
Pour ma part, j'ai commencé comme bouilleur ambulant seulement, puis en arrivant dans l'Hérault, les douanes m'ont imposé un cautionnement (abusivement, ou plutôt, à tort), que j'ai pris (devenir-distillateur.com n'existait pas encore pour me guider !), ce qui m'a encouragé à acheter des matières premières et vendre mes eaux-de-vie (fines, marcs, fruits…).
Mais je regrette vraiment de n'avoir vécu à l'époque de ce brandevinier qui criait brulair de vi ! dans le vieux Montpellier du XIX° siècle, avec pour seule charge son alambic sur le dos, sans soucis, sans sous…Comme tu vois, ce n'est pas inaccessible… il suffit de s'accrocher et de passer un peu de temps avec l'administration au début (très bon pour devenir diplomate), et évidemment d'être passionné…
Si tu veux, on se donne rendez-vous au prochain épisode, quand tu nous décriras tes premières gouttes ?
Bon courage !
Chers lecteurs : N'hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, de votre expérience, vos questions… échanger son expérience ou son avis c'est un peu trinquer ensemble, virtuellement mais quand même, c'est important… Merci ! -
Quand le bouilleur de cru distille lui-même sa gnôle : 2° partie, Au syndicat communal…
- Le 23/09/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Quand le bouilleur de cru distille lui-même sa gnôle, 2° partie
Dans la première partie de cet article, j'expliquais comment j'invitais le bouilleur de cru à venir distiller lui-même son cru dans mon atelier - sous ma direction technique et administrative. Situation tout-à-fait unique à ma connaissance, le bouilleur ambulant étant habituellement plutôt jaloux de son statut de distillateur à façon, et du privilège qu'il a à pouvoir légalement utiliser un alambic.
J'ai déjà expliqué que je proposais ce service dans un but d'échange et de transmission de connaissances, et aussi parce qu'il n'est guère rentable de travailler pour des bouilleurs de cru d'une façon aussi artisanale (distillation à repasse) dans une région qui ne possède plus l'infrastructure traditionnelle (ce qui nous montre une fois de plus que les traditions sont plus faciles à faire disparaître qu'à établir…).
Il existe néanmoins d'autres solutions au bouilleur de cru pour distiller -légalement- lui-même ses fruits.
D'abord, il y a le cas tout particulier des habitants de l'Alsace et de la Lorraine qui n'ont pas connu le régime de Vichy et la loi du -sauf erreur- 2 juillet 1941 qui interdit la distillation à domicile (et la possession par le bouilleur de cru d'un alambic). Cette loi séparera définitivement les bouilleurs de cru (les producteurs) et les bouilleurs ambulants (les distillateurs). Dans ses régions épargnées par Vichy, le bouilleur de cru a toujours le droit de distiller lui-même son cru avec son propre alambic (ou un pareil loué pour une journée par un "loueur d'alambic ambulant"). Il faut remarquer que c'est dans ces régions que la tradition s'est le mieux conservé, c'est aussi là qu'elle a le mieux évolué (la distillation dite "moderne" y règne plus que partout ailleurs en France), ce qui indique que la production de l'eau-de-vie est mieux protégé lorsque c'est la même personne qui s'occupe de son verger, de son tonneau, et de son alambic (mais pour s'occuper de boire le fruit de ce noble travail, il vaut mieux que ce ne soit pas forcément toujours la même personne…).
Il y a aussi une solution encore courante dans les départements de l'Est de la France, et qui existe aussi dans quelques autres départements, qui est le Syndicat communal, ou associatif, de distillation où les bouilleurs utilisent un alambic commun, souvent communal d'ailleurs. Ainsi le président de la Fédération Nationale des Syndicats de Récoltants familiaux de fruits et Producteurs d'Eau-de-vie Naturelle (FNSRPE pour les intimes, c'est le syndicat des bouilleurs de cru) Guy Richard, Maire de Wegscheid (Haut Rhin), est aussi responsable du syndicat communal de distillation.
Comment fonctionne un syndicat de bouilleur de cru ?
Je me suis posé la question parce que j'aimerais participer à la création d'une association de ce genre dans ma région (ce qui ne m'empêcherais pas de continuer le travail de mon atelier public de distillation, c'est-à-dire l'atelier -fixe ou moblle - du bouilleur ambulant prestataire de service pour les bouilleurs de cru, qui se trouve dans une région voisine de celle où j'habite).
Les syndicats de distillateurs sont des associations de type loi 1901 qui possèdent un alambic. Le bureau est responsable de la tenue des registres et des déclarations à faire aux douanes. Les membres sont tous des producteurs dans le sens où ils ont une production professionnelle ou amateur de fruits (quels qu'ils soient : tous les fruits sont permis) ; ils ne sont pas forcément inscrits à la Mutuelle Sociale Agricole (merci à la loi de 2002 qui ouvre le statuts de bouilleur de cru à tous les producteurs). Ces bouilleurs de cru modernes sont des amateurs (ils ne vendent pas leurs alcools), donc des passionnés. La loi leur accorde une remise de 50 % sur les taxes habituelles sur l'alcool jusqu'à la production de 10 litres d'alcool pur (soit environ 20 litres de goutte, ce sont les "1000°"). S'ils dépassent ce quota pourtant raisonnable, ils doivent simplement payer les taxes dans leur totalité pour le supplément (ce qui est d'ailleurs le cas lorsque nous achetons un alcool au supermarché).L'exemple de La Chapelle sur Furieuse
Je connais un peu le syndicat de La Chapelle sur Furieuse, dans le Jura. C'est un petit syndicat qui comprend aujourd'hui 15 à 20 membres (contre 74 à sa création en 1947, ce qui reste finalement proportionnel au nombre d'habitants). Le syndicat possède un alambic de 100 litres à bain-marie et un bâtiment tout petit mais très fonctionnel. C'est le syndicat qui inscrit les nouveaux membres comme distillateurs potentiels aux douanes (il n'est pas besoin pour un adhérent à un syndicat de ce genre de demander un agrément, formalité nécessaire au bouilleur ambulant), c'est aussi le syndicat qui forme le nouveau venu à la conduite de l'alambic… transmission des savoirs, liens de voisinage, & dégustations comparatives… tout ce qu'il faut dans la vie d'un village finalement…
La vie créée autour de l'alambic ne s'arrête pourtant pas aux quelques jours de distillation (10/15 par an en moyenne à La Chapelle) : elle se perpétue aussi au verger ou à la vigne pour les travaux communs ou les apprentissages. En Alsace, les syndicats communaux organisent des stages de distillation ou d'entretien des vergers (voyez le programme sur le site de la FNSRPE)…
Actuellement, cette organisation en association de distillateurs autour d'un alambic commun est sans aucun doute la meilleure solution pour les amateurs désirant faire leur eau-de-vie eux-mêmes de façon légale, en profitant du matériel et des connaissances mises en commun. Les formalités administratives ne sont pas vraiment problématiques et la FNSRPE (le syndicat des syndicats de bouilleurs de cru donc) est là pour aider les nouveaux venus.Le site suivant décrit le fonctionnement du syndicat d'Arc & Senans, village voisin de La Chapelle. Gilbert, son animateur en est l'un des membres actif.
On peut se demander pourquoi diable un bouilleur ambulant met-il autant d'entrain à promouvoir ce qui pourrait être perçu comme un facteur de concurrence fatal ?
Et bien d'abord, le bouilleur ambulant doit se souvenir que sa raison d'être est de servir le bouilleur de cru qui lui apporte une passion et un savoir-faire qu'il n'a pas forcément lui-même. De plus, ce sont les bouilleurs de cru qui ont proposés la loi de 2002 modernisant, en le sauvant, le statut du bouilleur de cru (le syndicat des bouilleurs ambulants leurs rendront la pareille en sauvant le privilège des anciens en 2006). Ce sont encore eux qui publient des manuels de distillations (à une exception près…), qui organisent des stages de distillation, de techniques d'entretiens des vergers &c…
Devant tout cela, le bouilleur ambulant peut quand même se rassurer en sachant que son activité exercée en professionnel lui permet d'approfondir son savoir-faire et d'employer du matériel et des techniques plus performants qui restent inaccessibles au particulier. Le bouilleur ambulant sert aussi les professionnels (ma principale clientèle est composée de vignerons qui vendent l'eau-de-vie que je leur distille), les liquoristes & fait parfois les prestations viniques, ce qui lui laisse encore un peu de travail… De toute façon, sans les bouilleurs de cru et leur travail de reconnaissance de la distillation familiale au niveau politique, pour les bouilleurs de toutes catégories, c'est cuit…
Pour revenir aux syndicats de distillation, il reste une forme particulière qui a été très importante à une époque (le XX° siècle en gros) et qui est en voie de disparition : c'est la forme coopérative qui a notamment sauvé l'économie viticole du midi. Ces coopératives étaient proches de nos syndicats à ceci près qu'elles étaient destinées à optimiser la production dans un but professionnel (et non amateur comme nos syndicats), et que le travail était rationnalisé et effectué par des employés de la coopérative, et non par les membres eux-mêmes, dirigés par un directeur, lui-même dirigé par un conseil d'administration formé de coopérateurs.
Cette forme d'organisation collective, démocratique mais complexe, reste assez lourde et les coopérateurs n'ont pas toujours été aussi impliqués dans le travail à tous des niveaux, chacun restant limité à sa spécialité (vigne, cave, vente…). Avec la crise actuelle, ces distilleries coopératives (dans le midi en tout cas) ont souvent "fusionnées" pour faire place à de grosses unités industrielles sur lesquelles les coopérateurs eux-même n'ont plus de contrôle. Le rôle des eaux-de-vie de bouche a toujours été largement secondaire dans ces distilleries. Dans ma région (le Languedoc) elles gardent un fort côté affectif pour les anciens, ce qui est normal pour des installations équipées de colonnes midi de taille moyenne en cuivre, mais elles n'ont jamais été très importantes dans l'histoire des bouilleurs de cru. Elles ont surtout un intérêt économique.
Il faut noter que les bouilleurs de cru du midi prenaient leurs "1000°" sous la forme d'alcool fort (le 3/6 du midi : 95 %) pour en faire des préparations du genre pastis, et rarement sous forme d'eaux-de-vie de bouche.Et demain ?
Je pense vraiment que l'avenir de la distillation familiale, et même de la distillation artisanale toute entière, dépent notamment de ces syndicats de bouilleurs de cru. Ces petites structures indépendantes et sans buts économiques peuvent transmettre l'ensemble de la tradition des bouilleurs de cru, y compris le travail du verger. J'espère que cepetit article contribuera à leur dévellopement.
Memo d\'utilisation de l\'alambic du syndicat
Merci aux commentateurs de nous faire part de leur questions ou leur expérience des syndicats communaux de bouilleurs de cru !
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Brulaire de VI
- Le 17/07/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Les vieux métiers du Clapas : Lou Brulaire de Vi
J'ai reproduit un chapitre du livre Dins la carrieiras des Clapas (Dans les rues de Montpellier) de E. Marsal décrivant le bouilleur ambulant tel que les souvenirs de l'auteur le racontent en 1898, c'est dire si la scène, déjà ancienne à l'époque commence à remonter (peut-être 1850 ?) !
Faute de place, j'avais omis de reproduire le texte original en occitan "officiel" de l'époque, c'est à dire le provencal de l'auteur de Mireille : Frédéric Mistral (l'occitan "normalisé" du mouvement calandretas n'existait pas encore). Pour réparer cet oubli, et ce manque de respect pour la distillation en Langue d'Oc, voici le texte original, accompagné de son illustration et de la traduction faite par mon fils Élie Frécon.
DlNS LAS CARRIEIRAS DAU CLAPAS (extrait)
per E. Marsal ; éd. G. Firmin & Montane, imp.
à Mount-Pelié, devalada de Sant Pèire, 1896.LOU BRULAIRE DE VI
Brulà de vi! brulà de vi! Es Iou crid que s'entendiè autra fes per la vila avans que lou brulaire aguèsse establit soun quartiè generau au pèd de l'estatua de brounze dau paire de l'aiga-ardent, Edouard Adam, que s'auboura sus lou plan de la Saunariè.
Brulà de vi! brulà de vi! Antau anounça encara soun arrivada dins lou vilage ounte, l'an demandat.
Cridarà lèu aquel que venèn de veire quità lou plan, soun labouratôri sus l'espalla, dindant à chaca pas. S'envai galoi, zounzounant un refrin de soun païs, belèu aquel èr pirenenc que nostes grands an adoubat à la cansou lengadouciana : « A 1'oumbra dau bouscage ».
Lous brulaires de vi nous vènoun mai-que-mai dau païs Basque. De bona oura saguèroun aprecià las qualitats dan vi rcnoumat de Jurançoun, aquel lach que tetèt lou bon rèi Enric IV.
Lou destilèrou per amassa soun precious estrach e s'en countentèrou jusqu'au jour que s'acaminant de-vers lou Lengadoc, descurbiguèroun nostes creis de Sant-Jôrdi, de Langlada, de SantCristôu e autres vis de l'Erau, Alor venguèrou planta bourdoun au Clapàs per travalhà aqueles vis famouses e assetà la renoumada de l'aiga-ardent de Mount-Peliè.
En aquel titre, lou brulaire a drech à nosta reconnouissença, e souvetan de bona besougna, en gramecis de soun pertrach que nous dona, en aquel valent que s'envai de bon mati à l'obra .
LE BRULEUR DE VIN (le brandevinier)
Brûlez du vin ! Brûlez du vin ! C’est le cri qui s’entendait autrefois à travers la ville avant que le brûleur n’ait établi son quartier général au pied de la statue de bronze du père de l’eau-ardente Edouard Adam, qui se dresse sur la place de la Saunarié.
Brûlez du vin ! Brûlez du vin ! Ainsi annonce-t’on encore son arrivée dans le village où il est demandé. Il criera bientôt celui que nous venons de voir quitter la place, son laboratoire sur l’épaule, se balançant à chaque pas. Il s’en va joyeux, chantonnant un refrain de son pays, peut-être cet air pyrénéen, dont nos
anciens ont fait la chanson Languedocienne : A l’ombra dau boscage.
Les brûleurs de vin viennent plutôt du pays Basque. Autrefois, ils savaient apprécier les qualités du vin renommé du Jurançon, ce lait que téta le bon roi Henri IV. Ils le distillèrent pour recueillir son précieux arôme et s’en contentèrent jusqu’au jour où, cheminant vers le Languedoc, ils découvrirent nos crus de Saint Georges de Langlade, de Saint Cristophe et autres vins de l’Hérault. Alors ils vinrent planter leurs bourgeons* au Clapas pour travailler ses vins fameux et asseoir la renommée de l’eau-de-vie de Montpellier.
A ce titre, le Brûleur de vin a droit à notre reconaissance, en hommage à sa bonne besogne, en le remerciement pour le portrait qu’il nous donne, un homme vaillant qui se met de bon matin à l’oeuvre.
* c'est-à-dire : prendre racine.Traduction Elie Frécon.
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Les partenaires de la distillation amateur aujourd'hui (conférence au congrès des syndicats de bouilleurs)
- Le 25/05/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Les 30 avril, 1, et 2 mai 2010 a eu lieu à Josselin en Bretagne le Congrès national des syndicats de Bouilleurs Ambulants et de Bouilleurs de Cru
Ces deux organisations sont très différentes sur beaucoup de points (les bouilleurs ambulants sont professionnels, les bouilleurs de crus sont amateurs) mais se retrouvent sur le front de la défense de la distillation familiale devant l'évolution de la législation. Les bouilleurs de cru ont obtenus en 2003 des facilités pour la distillation familiale (détaxe de 50 % pour les producteurs qui n'ont pas le privilège, autorisation de faire distiller sa propre récolte même si l'on n'est pas exploitant agricole (ces notes sont à l'intention toute particulière d'un certain douanier des Bouches du Rhône qui a récemment refusé cette détaxe à un mien client au prétexte qu'il n'était pas à la MSA errare douaninum est…). Les bouilleurs ambulants ont obtenus en 2007 la prolongation du privilège (donné jusqu'en 1960) qui devait disparaître au profit du précédent acquis (de 2003). Sans le travail constant de ces deux syndicats, la distillation familiale ne serait plus aujourd'hui en France qu'un souvenir…
Bien qu'étant moi-même bouilleur ambulant, j'ai toujours été proche du syndicat des bouilleurs de cru pour la très simple raison que je fréquente ces bouilleurs chaque jour de la saison de distillation et qu'ils représente à mon sens l'âme et la passion de la distillation familiale, surtout que l'eau-de-vie a aujourd'hui perdu tout sens économique dans la vie de fermes qui n'existent plus. Il ne reste que l'esprit…
C'est pourquoi le thème de l'intervention que j'ai faite lors de ce congrès avait pour thème :
Les partenaires de la distillation amateur aujourd'hui
"D'abord, je voudrais préciser que je m'adresse aux amateurs que nous sommes, que nous soyons d'une manière ou d'une autre des professionnels ou non, nous restons tous, je pense, des amateurs dans le sens que nous nous efforçons de faire vivre une passion : la distillation des eaux-de-vie, c'est pour cela que nous sommes réunis ces jours de congrès.
Je ne rappellerai que brièvement les étapes de l'histoire des bouilleurs de cru : vous connaissez le livre de Albert Meyer et Roland Bechler ou le site de la FNSRPE qui retrace toute l'histoire des bouilleurs de cru et des ambulants. Il suffit de rappeler qu'avant le gouvernement de Vichy, le bouilleur de cru pouvait distiller chez lui ses fruits, ou faire appel à un ambulant s'il ne possédait pas d'équipement lui-même. Vous savez que les distillateurs d'Alsace et de Lorraine continuent à pouvoir le faire.
Depuis Vichy donc, le récoltant est obligé de confier son cru à l'ambulant : la possession d'un alambic étant réservé au professionnel (ce n'est pas le fait de distiller sois-même qui est interdit à l'amateur, mais bien la possession d'un alambic). Le récoltant peut toutefois distiller lui-même son cru en louant un appareil s'il en a la possibilité (à un "loueur d'alambic ambulant" comme il s'en trouve encore dans les régions de l'est de la France), ou en utilisant un alambic communal ou associatif (syndical), ce qui est encore courant dans l'est, et dans d'autres régions de France.
Il semble clair que la plupart des bouilleurs de cru familiaux sont maintenant de fervents amateurs, et il est normal que beaucoup souhaiteraient distiller eux-même leur cru. Quand ils ne le font pas, c'est soit qu'ils ne savent pas que cela pourrait être possible, soit que le passage de l'ambulant (même si l'ambulant reste souvent fixé dans un atelier) est assez ancré dans la tradition qu'ils ne voudraient pas s'en passer, ou que cette tradition disparaisse.
Alors, sachant cela, quelle est la place légitime du Bouilleur Ambulant ?
Pour moi qui suis BA, je pense que le BA est, dans bien des régions, le garant de la continuation de cette tradition de la distillation familiale. Il doit mettre son savoir faire et son matériel au service de l'amateur : il doit être à l'écoute des souhaits et des goûts de ses clients, il doit se mettre à jour des différentes techniques en pratique à notre époque (sans pour autant rejeter la tradition ancestrale locale). Ces techniques de distillation dite moderne ont d'ailleurs été souvent développées par des BC maîtrisants tout le process (depuis le travail du verger à l'élaboration de l'eau-de-vie elle-même), ainsi que par la station de recherche agronomique suisse travaillant sous l'égide de la RFA, ce qui en fait d'ailleurs un partenaire envié de la distillation amateur aujourd'hui…
Par le fait qu'il soit souvent incontournable, le BA est donc un important responsable de l'évolution de la distillation amateur actuelle, il est plus qu'un prestataire de service gagnant sa vie avec les BC : il est un partenaire (mais je ne l'apprend à personne ici, puisque nous sommes ici autour d'un travail commun).
La recherche et le progrès (je veux dire, la mise à jour des connaissances, l'écoute des BC) sont donc des préoccupations communes aux BC & aux BA. Plus que cela, le BA qui est en général plus confronté à l'administration, doit chercher des solutions pour faciliter les démarches de ses BC (qu'ils aient un privilège ou non), il doit leur trouver des solutions pour les aider à développer leur passion d'une manière légale. Tout cela même si les habitudes et les traditions doivent être un peu réactualisée.
Je vais maintenant vous parler de ma propre expérience de BA dans une région vierge d'alambics, l'Hérault. Voici comment s'est développé mon atelier public avec des bouilleurs (et des douaniers) tout neufs, avec lesquels un véritable partenariat a pu se développer.
En m'installant dans l'Hérault, j'avais déjà l'expérience de la tradition des bouilleurs de cru privilégiés de mon atelier de Jaugey en Côte d'Or (voir l'introduction de mon livre), tradition noble et immuable, dans le style "bouillir ou périr, il faut choisir !" (inoubliable citation d'un célèbre président de syndicat). Fort de cet apprentissage réellement très enrichissant, j'avais quand même l'espoir de le mettre à profit tout en y apportant quelques innovations. Les bouilleurs privilégiés de l'Hérault étants déjà adhérents à la distillerie coopérative de leur coin, mes clients ne pouvaient être que des "jeunes", c'est à dire des producteurs non privilégiés, tout neufs donc. Idem pour l'administration des douanes avec qui nous avons ensemble épluché le code général des impôts pour établir un modus operandi fonctionnel.
J'ai donc distillé pour des particuliers et pour des professionnels (qui vendent leurs eaux-de-vie), j'ai aussi mis à disposition un alambic à bain-Marie aux bouilleurs de crus (voir Quand le bouilleur de cru distille lui-même sa gnôle sur ce blog). L'équilibre entre l'aspect prestation pour les professionnels et le côté échange de connaissances est important pour la vie de l'entreprise : le seul côté rentable ne permettrait pas le développement à long terme d'une distillerie artisanale dans un milieu aussi hostile que la France aujourd'hui.
Dans ce sens encore, j'espère initier la création d'un syndicat de bouilleurs de cru qui permettra aux producteurs de distiller eux-même leurs eaux-de-vie et leurs plantes aromatiques (un alambic spécifique est prévu à cette intention). Je resterai prestataire de service au besoin (pour les vignerons notamment), et producteur de mes propres eaux-de-vie. Cet atelier me permettra d'avoir un local et une activité associative qui est toujours appréciable en ces temps de crise…
À propos des plantes aromatiques, je pense que l'évolution des techniques de distillation (autrement dit l'ouverture d'esprit et la culture plus importante des distillateurs actuels) et des besoins de la société nous conduit à rapprocher les techniques des différents types de distillation : distillation des alcools et des huiles essentielles, pour l'élaboration de boissons, de médecines et de cosmétiques (ceux qui ont lu mon livre retrouveront là mon thème préféré).
Pour développer un peu plus, je dirais que mon travail de distillateur reste global, que j'élabore une eau-de-vie (boisson), un élixir (comme l'élixir du suédois), ou une eau aromatique (eau de rose par exemple).
Cette conception de la distillation peut permettre la création de nouvelles recettes comme, par exemple, le réglage d'une eau-de-vie de fruit avec une eau florale, les pétales de la fleurs ayant été rajouté en macération au soleil pour en faire une boisson très fine qui possède des vertus mystérieuses habituellement réservées à la pharmacie…
Voici le travail que je peux faire dans mon atelier de bouilleur ambulant mis au service de la distillation familiale, ou professionnelle.
Loin d'être un modèle, il reste l'exemple d'une évolution possible de la distillation traditionnelle dans le contexte actuel (contexte dans lequel nous avons bien besoin de réconfortants !)…"Matthieu
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Quand le bouilleur de cru distille lui-même sa gnôle : 1° partie, dans mon atelier…
- Le 23/03/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Ceux qui ont lu l'introduction de mon livre (disponible dans "extraits du livre") connaissent la distinction entre les bouilleurs de cru, et les bouilleurs ambulants. Étant moi-même de cette seconde catégorie, je m'appplique à distiller le cru des bouilleurs de la première, autrement dit, le bouilleur ambulant distille la gnôle du bouilleur de cru et aucun des deux ne contrôle le processus du début à la fin de l'ouvrage (en fait, le contrôle, c'est encore une autre histoire…).
Il existe un cas particulier où le bouilleur de cru distille lui-même sa chère goutte : c'est lorsqu'il est adhérant à un syndicat utilisant en général un alambic communal. Cette situation enviable fera l'objet de la seconde partie de cet article. En attendant, je vais vous parler de mon atelier public, et de comment j'exploite sans honte mes clients (les bouilleurs de cru).
En installant mes alambics dans mon nouvel atelier à Autignac, je me suis concentré sur la distillation du vin (vin de Faugères ou du Languedoc, pour produire la Fine de Faugères, ou du Languedoc). c'est plus facile à distiller et le rendement est meilleur…
Comme je ne pouvait décemment pas laisser tomber mes bouilleurs de cru, les particuliers qui préparent un tonneau de fruit ou quelques comportes de marc de raisin, j'ai installé un alambic à bain-marie de 100 litres à leur intention : je leur propose de venir distiller eux-même leur cru. C'est-à-dire qu'ils font eux-même tout le boulot pendant que je distille tranquillement le vin des vignerons du coin en supervisant l'affaire. Le travail se fait donc sous ma responsabilité sur le plan administratif (je remplis les registres), et je donne les consignes aux débutants.
La journée est souvent longue (l'alambic de mes arpètes est une machine fiable mais plutôt tranquille) mais pas inactive…
Yvo distille son marc
Le coût pour distiller soi-même dans ces conditions d'exploitation pure et simple est moindre que le tarif normal, il couvre les frais de gaz et de petit matériel (3€/litre), mais l'intérêt pour moi se trouve surtout dans l'échange avec le récoltant, le partage des connaissances, le plaisir d'avoir pu encore offrir un service que les conditions de gestion d'une entreprise aujourd'hui permettent rarement (le rendement… les charges…). Les bouilleurs de cru, en général, ne regrettent pas…
Et puis ma devise de distillateur un peu nonchalant c'est… "Faites le vous même !"
Ismael disitllateur d'eau de rose de Midelt (Maroc)
en stage de "bouilleur de cru"
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Les vieux métiers dans les fêtes de villages
- Le 25/02/2010
- Dans L'Atelier Public de Distillation
Les vieux métiers sont à l'honneur dans les fêtes de villages : forgeron, maréchal ferrand, tonnelier, vannier… et, quand on en trouve un, distillateur…
On me demande souvent de montrer le métier de Bouilleur Ambulant du temps passé. Je sors un alambic de l'atelier et, au lieu de distiller chez moi, je distille dehors… Fondamentalement, c'est la même chose, dans la réalité, il y a quelques différences, par exemple, je laisse le bruleur à gaz pour chauffer au bois.
Mais la principale différence vient du fait que le but de la démonstration est d'expliquer aux visiteurs le fonctionnement d'un alambic, de parler des "droits" (99 % des visiteurs pensent dur comme fer que je suis là parce que j'ai hérité d'un "droit" perdu depuis longtemps (ai-je l'air si vieux ?) qui sera bientôt malheureusement totalement perdu &c…).
J'explique donc à ceux qui veulent l'entendre (certains nostalgiques préfèrent rester sur les souvenirs…) que depuis 2003, chacun à le droit de faire fermenter sa récolte pour la confier à un disitllateur, ce qui, moyennant quelques taxes, lui permet de prétendre au titre (sans jeu de mots) de Bouilleur de Cru. La loi qui permet cette situation somme toute enviable est le résultat du travail du syndicat national des Bouilleurs de Cru (FNSRPE, voir le lien).
La question du privilège reste entière puisqu'il reste encore un bon nombre d'exploitants qui en bénéficient, la majorité des bouilleurs ambulants traditionnels travaille pour eux. Ce privilège devait être aboli en 2006 au profit de la nouvelle règlementation mais, grâce au travail du syndicat national des Bouilleurs Ambulants, il perdure encore (merci à ces deux syndicats qui veillent à la sauvegarde de cette activité - professionnelle ou amateur).Comment se passe une démonstration de distillation "à l'ancienne" ?
En amont, l'organisateur de la manifestation me contacte, je lui explique les démarches à suivre au niveau administratif (ce qui en a découragé plus d'un…), ça, ça pourrait être le sujet d'un chapitre entier (je vous en ferai une description complète bientôt - si vous me le demandez…), il fournit le vin à distiller et le bois de chauffe.
J'ai l'habitude d'utiliser un petit alambic portable de 100 litres pour les démonstrations : ce n'est pas aussi imposant que les locomobiles à vapeurs qui peuplent les souvenirs des visiteurs mais je ne veux pas leur casser la baraque, et puis un petit appareil demande quelques manipulations (déchargement, rechargement, repasse &…) qui intéressent les curieux.
Dès que la goutte sort, on passe le doigt, on discute des différents stades de la coulée, on regoutte… Les douanes interdisent la dégustation pendant les démonstrations publiques, je ne permets donc pas l'utilisation de verres pour goûter, le doigt suffit. Pour une fois, j'accepte sans regrets cette restriction : on peut ainsi éviter quelques problèmes (le buveur de gnôle n'a plus aujourd'hui les capacités qu'on lui connaissait autrefois…). De plus, je distille en général un vin de qualité juste suffisante pour cette opération qui ne se fait souvent pas avec le même soin qu'à l'atelier (je ne peux pas travailler et faire la causette en même temps…) : si on la trouve bonne sur le bout de l'index, un verre serait… décevant…
Il y a énormément de passionnés de l'alambic : sans parler des nostalgiques du temps perdu dont je parle plus haut, il reste les amateurs de gnôle, les préparateurs de teintures ou de liqueurs, les amateurs d'aromathérapie (l'alambic ne perd pas toute sa noblesse en distillant des plantes aromatiques), les chimistes fous &c…
En général, on ne manque pas de sujets de discussions…
Le soir, le distillat, chargé de l'histoire de la journée, est mis de côté pour être ensuite confié aux douanes chargées de la bonne tenue de la manifestation.