spiritueux

  • L'Alcool-remède

    L’Alcool-remède

    Une conversation récente du laboratoire cantonal service cosmétiques (Suisse), c’est à dire la police des producteurs cosmétiques, me suggère quelques réflexions sur mon métier de paysan-distillateur-herboriste (1).

    Mon travail tourne autour des bienfaits des plantes. Toutes sortes de bienfaits :  la santé, qui commence avec l’alimentation, et la joie et le bien-être : cela concerne l’ivresse et la « spiritualité », c’est-à-dire le contact entre la nature et sa nature.

    Je cultive et récolte les plantes sauvages, et je les transforme pour les conserver toute l’année ou pour mettre en valeur certaines de leurs propriétés. Je fais donc des aliments/compléments alimentaires comme le vinaigre des 4 voleurs ou de vrais aliments (choucroute, pestos, sirops…) pour les fêtes à la distillerie. Je fais aussi d’autres aliments traditionnellement plus axés sur la santé comme l’élixir du suédois et sa thériaque, des alcoolatures de propolis ou autres, des hydrolats (Eau de rose…). Ces flacons ont encore un certain lien avec l’alimentation. Enfin, je distille des spiritueux. Ces spiritueux sont clairement considérés par la société, ou par l’administration plutôt ce qui est très différent, comme des produits récréatifs, et parfois comme des drogues (dans le sens de la cocaïne, pas dans le sens qu’ils sont vendus en droguerie… et pourtant…).
    En fait, ces différents flacons viennent du même endroit, la terre, et ont le même but : vivre bien, joyeusement et en bonne santé.
    Et c’est pour répondre à ce besoin d’entretenir la joie et la santé qu’on les a créé. Et ce sont les mêmes personnes qui les ont développées. Les paysans d’abords, avec les mamans qui ont créées des recettes pour leurs maisonnées (oui, les hommes aussi ont aussi participé… et ils participeront de plus en plus avec le temps). Et puis avec la spécialisation, on a vu des apothicaires et médecins spécialisés dans la préparation médicinale, délaissant progressivement les remèdes de bonnes-femmes. Et puis on a essayé d’ajouter le plaisir aux propriétés médicinales. Et on a crée les liqueurs et autres spiritueux médicinaux indispensables à l’entretien de la santé, et de la joie (être joyeux c’est avec « avoir de l’esprit »). En fait, jusqu’à une époque très récente qui commence avec le débarquement du Coca-cola et du chewing-gum (qui étaient à l’origine deux médicaments) en Normandie en 44, les alcools et beaucoup d’autres préparations de la ferme qui étaient intimement liées à l’entretien de la santé ont du céder le pas au progrès que l’on n’arrête pas. C’est l’industrie agro-alimentaire et la disparition de l’autonomie rurale (les petites fermes familiales) qui a rendu l’alimentation impropre à la santé et avec, qui a favorisé le développement de l’industrie pharmaceutique (dont j’oserai dire qu’il a également rendu la pharmacie et la médecine impropre à l’entretien de la santé).
    C’est donc la disparition de la tradition de l’alcool-remède qui a favorisé la dégradation de la santé.
    À ce stade, certains pensent que j’exagère et je leur accorde : il y a d’autres facteurs et il y a aussi des points positifs dans cette évolution, mais cela n’enlève rien au fait que la disparition de l’alcool-remède a favorisé la dégradation de la santé.

    C’était le premier point.

    Maintenant, où en sommes-nous ?

    Aujourd’hui, l’alimentation est très contrôlée et favorise nettement une production industrielle, ou au moins très spécialisée. Une petite ferme qui produit un peu de tout, y compris des aliments cosmétiques (par exemple eau de rose) ou des spiritueux, ou des tisanes, baumes réparateurs &c… est ingérable et l’administration d’une telle structure dépasse de beaucoup le travail réel aux champs ou au labo.
    Du côté de la pharmacie, c’est encore pire : tout ce qui touche explicitement à la santé est exclusivement réservé à l’industrie pharmaceutique. Les règles des organismes de contrôle sont telles qu’il est non seulement matériellement impossible à une petite structure agricole de faire des remèdes mais il y encore pire : ces règles empêchent purement et simplement la fabrication correcte et efficace de ces remèdes traditionnels. Autrement dit, les règles actuelles pour la tenue d’un laboratoire pharmaceutique interdisent les procédés efficaces pour des recettes qui ont plus d’un siècle.
    J’exagère encore ? Oui, un peu, et je reconnais aussi que la pharmacie moderne a créée des remèdes extraordinaires et salvateurs, mais cela n’enlève rien au fait qu’aujourd’hui ni l’alimentation ni la pharmacie modernes ne suffisent pour rester en bonne santé, et ce, au détriment de l’alimentation et de la pharmacie traditionnelles.

    Arre ter la goutte

    Que faire ? Noyer son chagrin dans l’alcool ?

    On est aujourd’hui clairement arrivé à point de crise et il est nécessaire de réfléchir à cette situation. Le renouveau de l’herboristerie, l’enseignement de l’agriculture biologique dans des micros-fermes, la création de statuts marginaux comme ceux de paysans-boulanger ou de paysan-herboriste est un retour à ce « bon sens paysan » d’avant-guerre. Et puis, depuis une quinzaine d’années, le retour des micros-distilleries nous donne confiance (Vive l’alambic !) dans le bonne direction que l’on prend maintenant.

    Qu’est-ce qu’un spiritueux finalement ?

    À l’origine donc, ainsi que je l’ai décrit brièvement plus haut, un spiritueux est une production agricole qui sert à entretenir une bonne santé et un joyeux moral. Les alcools de fruits ont des propriétés médicinales et sociales importantes, tout le monde le sait. Il faut qu’ils soient bien distillés et les artisans distillateurs du XXI° siècle commencent à vraiment bien connaître leur métier. Les alcools de plantes eux, viennent d’un monde ancien qui connaissait les plantes médicinales mieux que quiconque aujourd’hui. Une vrai connaissance reste à retrouver. Un « apéritif », ou un « digestif » est composé de plantes qui vont favoriser ces fonctions et le distillateur doit être aussi au moins un peu herboriste. La composition d’une recette doit prendre en compte le but recherché et les plantes sont choisies en fonction de leurs propriétés. Les plantes vont agir et interagir les unes avec les autres dans une synergie savante. L’étude de la polypharmacie par exemple est une bonne façon d’aborder la construction d’une recette. Je ferai un article sur ce sujet plus simple qu’il n’y parait. Des recettes complexes comme les arquebuses (dont la célèbre liqueur des Chartreux est probablement le plus bel exemple) sont savamment construites. Ce sera dans les anciens traités de pharmacie que l’on trouvera les éléments de cette science. Cet art commence avec la tradition de la formulation qui nait avec les recettes comme la Thériaque qui a plus de 2 000 ans… La Thériaque reste le modèle du genre : entre 40 et 160 ingrédients dont chacun a un rôle à jouer. C’est une sorte d’orchestre symphonique avec ses pupîtres d’instruments équilibrés capable d’exprimer ce qu’aucun soliste (les simples de l’herboristerie) ne saurait faire (ce qui n’enlève rien à la médecine des simples qui garde tout son intérêt par ailleurs).

    Qu’est-ce qu’une liqueur de plantes donc ?
    C’est une synergie puissante pour entretenir ou restaurer la santé et la joie. Chaque recette a son rôle : une Arquebuse n’aura pas le même effet qu’une Eau de Mélisse, mais les deux sont des outils importants pour une vie saine et heureuse.

    Comment fait-on une recette ?
    Il y a plusieurs réponses, plusieurs façons d’aborder la question. Pour l’heure et pour rester dans notre sujet, je dirai que l’étude de l’herboristerie moderne en plus de celle des recettes anciennes (du XVII° et XVIII° siècles pour commencer) est une excellente école. Il y a des grandes recettes : Eau de la Reine de Hongrie et Eau de Cologne, Eau d’arquebuse, Eau de Mélisse, les Anisés (dont les anisés-amers comme l’absinthe) &… Plus tard, on aura des recettes du XIX° comme la Bénédictine (qui reste une excellente recette) et qui ont, à mon avis, perdu le sens médicinal et la connaissance antique de l’art de guérir en liquoristerie. Ces boissons sont dorénavant plus esthétiques, plus récréatives.
    En fait, c’est avec la règlementation sur les médicaments par Napoléon en 1802 que les spiritueux quittent le domaine de la santé. Déjà une nuisance de l’administration…

    D’une façon pratique, la copie et l’inspiration des grandes recettes classiques est un bon moyen de comprendre l’effet des plantes sur la santé en liquoristerie.

    Comment j’ai fait mon Eau de Mélisse ?
    J’ai étudié et copié les recettes classiques (de Baumé à la fin du XVII° s., Lémery au XVIII°, à Dorvault au XIX°), testé leurs goûts et leurs effets. Cela m’a fait comprendre l’utilisation de certaines plantes peu utilisées en liquoristerie ou même en herboristerie modernes. J’ai ajouté les plantes qui me semblaient utiles que je connais déjà, et j’ai équilibré les proportions de façon à avoir un goût et un effet optimal. Je me retrouve avec une recette composée de 27 plantes et environ 30 gr. de plantes par litre (ce qui est énorme aujourd’hui). L’effet est principalement dirigé vers le système nerveux (apaisant et digestif). La mélisse est digestive à partir de son action sur le cerveau/système nerveux et non à partir d’une action sur les organes du système digestif (foie, vésicule biliaire, estomac). L’effet est donc digestif, apaisant, et intellectuellement stimulant. Et le goût ? Le goût est délicieux, puissant et équilibré, d’autant que le l’organisme du buveur comprend tout de suite que ce digestif lui est bénéfique. C’est lui (le corps) tout autant que les goûts personnels du buveur qui lui feront apprécier le petit verre !

    Une Eau D’Arquebuse ou une Absinthe ne fonctionneront pas du tout de la même façon…

    Un spiritueux, définitivement, est une médecine importante et le distillateur-liquoriste le sait.
    Il reste à pouvoir le revendiquer, ce sera mieux !

    Post-Spiritum
    Je dois rappeler que ces alcools de plantes sont composés de plantes aromatiques et médicinales, c’est le sujet de cet article, et d’un élément tout aussi important qui est l’alcool qui les embrasse. J’ai déjà parlé ailleurs de l’importance de l’alcool utilisé et que l’on néglige aujourd’hui en pensant que c’est un simple excipient. C’est faux, l’alcool (esprit de vin ou autre), son origine et sa méthode de distillation sont des éléments majeurs pour faire des spiritueux efficaces au niveau des goût et à de la santé. Je vous invite à vous reporter aux articles sur « l’alcool neutre » déjà publiés sur ce blog.

    Santé !

    Matthieu Frécon, Sarreyer, Octobre 2024

    (1) apprenti-herboriste en ce qui me concerne…

  • L'Officine du Gin, N°1 / Theophrast

    L'Officine du Gin

    Une collection de spiritueux de Edelweiss Distillerie en collaboration avec Gin O’Clock, Suisse


    N°1 Théophrast


    Notre premier Gin officinal est né pendant la crise du Corona Virus, à l’équinoxe de printemps 2020.
    C’est un Gin puissant, sec, et aux arômes profonds. Les plantes aromatiques sont choisies avec soins : c’est un mélange de plantes locales du Valais que nous cultivons en Bio ou récoltons dans les montagnes environnantes, et de plantes exotiques que nous avons ramenées de notre dernier voyage à l’Île de la Réunion (où nous travaillons avec des récoltants et distillateurs).

    Les plantes aromatiques sont également des plantes médicinales (PPAM : plantes à parfums aromatiques et médicinales) et sont traditionnellement employées dans la pharmacopée depuis que l’homme met des plantes dans l’alcool pour les distiller dans un but qui allie bien-être et santé (d’où cette fameuse expression que l’on ne manque pas de rappeler en partageant un verre amical…).

    Le bouquet végétal qui compose notre Gin est construit autour de ces deux pôles : bouquet aromatique (Gin d’hiver, réchauffant et cordial) et bouquet médicinal (toutes ces plantes font partie de la pharmacopée et sont utilisées en phytothérapie).

    La baie de genévrier domine le palais, ce qui est normal pour un Gin. C’est une plante très sous-estimée pour ses vertus médicinales. Elle est diurétique, antiseptique (urinaire, pulmonaire, génital féminin) digestive.
    Ensuite, les plantes importantes en cette période d’épidémie virale, sont :
    l’Echinacée : Puissant stimulant du système immunitaire, neutralisation des virus et des bactéries dans les infections respiratoires, diminution de l’inflammation dans les cellules de l’épithélium, stimulation de l’immunité par augmentation des globules blancs et leur capacité à phagocyter les intrus &c…. (source Hudson JB. "Applications of the phytomedicine Echinacea purpurea (Purple Coneflower) in infectious diseases". J Biomed Biotechnol.2012;2012:769896. Epub 26 oct. 2011 cité par Christophe Bernard) surtout lorsqu’elle est accompagné du bouquet suivant composé de Cassis, Sureau noir, Propolis, Thym, Sarriette, Romarin…
    Nous trouvons encore dans cette recette des feuilles de « 4 épices » réunionnais (péis bien sûr !), du café vert, du gingembre (dont les effets anti-oxydants sont sublimés par la distillation), de la cannelle (anti-infectieux puissant), des agrumes…

    Mais boire un tel Gin vaut-il un verre de teinture-mère ?
    La relation entre les spiritueux et la phytothérapie n’est plus à faire, les racines sont les mêmes : ce sont la science des apothicaires-herboristes alliés à l’industrie savante des moines, tous fins distillateurs qui ont permis le développement de l’art de soigner par les teintures (alcoolats autrefois toujours distillés - source : Codex pharmaceutique français 1848) et celui d’adoucir et d’embellir la vie par la liquoristerie.
    Par exemple, pour l’entretien du système immunitaire, votre droguiste ou pharmacien vous conseillera 10 à 15 gouttes de teinture d’échinacée par jour pendant 3 semaines. La préparation de cette teinture avec des plantes sèches se fait à 1/5° dans de l’alcool à 50 à 70 % vol.
    Notre recette qui comprend 200 gr. d’échinacéa sèche pour 100 litres d’alcool à 70° vous donnera la même dose avec un verre de 2,3 cl de ce Gin Théophrast à 48 % vol.
    Mais faut-il en conclure que l’on peut remplacer la prescription de TM (teinture-mère) d’Echinacea du naturopathe par une dose quotidienne de ce bon Théophrast ? Je n’oserais l’affirmer, et le naturopathe non plus… De plus, à cause de leur côté addictif, les spiritueux sont catalogués parmi les drogues (mais pas celles vendues par le droguiste cette fois…) et il est interdit par la loi de prétendre qu’elles sont bonnes pour la santé. Je n’enfreindrai donc pas la loi et je me bornerai à rappeler que les matières premières, les procédés de fabrications, et l’histoire sont communs aux thérapeutes et aux liquoristes depuis près de mille ans et qu’il n’est pas impossible d’imaginer ce Gin Théophrast vendu en pharmacie (et sans les taxes sur l’alcool s’il vous plait !)…

    Alors soignez-vous avec si le cœur vous en dit. Je n’ai qu’un mot pour conclure, c’est une expression traditionnelle qui ne disparaîtra qu’avec la joie de vivre ensemble, c’est : « Santé ! »

    Matthieu Frécon, Sarreyer, Avril 2020

  • Préparer son absinthe

    Préparer son Absinthe…Verte van gogh

    Hier soir, nous fêtions je ne sais plus quoi, et comme il est l’usage, le champagne était au cœur du rituel. Et comme il est de mon usage dans ces cas là, je n’ai pas résisté à aromatiser mes bulles de l’esprit vivian : une petite dose de Chandelle Verte au fond de la flute. J’ai pris goût, grands dieux ! à ces cocktails modernes et il est peut-être temps de faire le point sur les bonnes et les mauvaises façons de boire mon alcool préféré : l’Absinthe.
    Chandelle verte champagne

    Les bonnes et les mauvaises façons de préparer sa Verte ou sa Bleue…

    Alors, on va partir du fait que l’Absinthe, le spiritueux, ne naît pas du jour au lendemain dans le laboratoire d’un savant fou du Val de Travers ou d’ailleurs, mais qu’elle est le fruit d’une longue tradition de préparations d’élixirs-spiritueux de plantes qui ont pour mission de soutenir le moral et réparer le corps. Ce sont des alcools fait pour le corps autant que pour l’esprit. L’Absinthe - Artemisia Absinthium - étant une plante médicinale majeure, elle est présente dans de très nombreuses recettes depuis les temps (et les régions) les plus reculés.

    Avant que n’apparaisse l’apéritif que l’on désigne sous le nom d’Absinthe ou Fée Verte qui se développera en Suisse et en France au XIX° siècle, il était l’usage de faire des alcools forts que l’on buvaient allongés d’eau. C’est l’origine de la première version de cette préparation, assez primitive, que l’on rencontre encore dans les régions les plus traditionalistes comme le Jura par exemple et un peu partout depuis le développement du pastis et de l’Olympique Marseille (qui n’est pas un spiritueux).
    C’est ainsi que les jurassiens boivent encore leur Bleue : la liqueur blanche est allongée d’eau dans un grand vert, l’anis contenu révèle son caractère louche et l’affaire est réglée.
    C’est la version 1 du rituel de l’absinthe.
    Rituel discre te marc thuillier

    La Belle Époque parisienne doit son nom à un mélange détonnant entre une culture artistique merveilleuse qui apparait dans un contexte social abominable. C’est ainsi que l’alcoolisme se développe et contribuera à la perte de notre muse apéritive, et c’est en même temps sous son influence qu’accoucheront les plus belles œuvres artistiques qui chanteront les louanges d’Artemis, la vierge farouche et redoutable, la féminité nécessaire aux artistes et aux ouvriers de la nouvelle société sans âme (au tournant du XX° siècle, pas la société sans âme du tournant du XXI° siècle laquelle rappellera la Fée à son secours en 2005).

    Cette magnifique société est festive et l’exposition universelle de Paris en 1889 verra l’érection de la tour Eiffel et probablement l’invention de la cuillère percée (en forme de tour Eiffel), qui deviendra rapidement l’accessoire emblématique du rituel de l’absinthe.
    Il est dorénavant officiel que la Fée Verte se prépare avec cette « pelle » qui soutient le sucre qui se trouve alors au-dessus de la liqueur. Il reste à la « fontaine à Absinthe » le soin de faire couler les gouttelettes d’eau fraiche sur le sucre pour que le sirop vienne adoucir l’amertume de l’apéritif. Ce rituel d’esthètes semble avoir été élaboré pour des raisons de marketing dans le but de faire boire ces dames des bistrots parisiens pour la parité dans l’ivresse…
    Cette version 2 du rituel de l’Absinthe est indéniablement la plus répandue. C’est la façon officielle de bien préparer une absinthe quand on a de l’éducation et que son amertume demande un sucrage, ce qui n’est pas toujours nécessaire avec les modernes et doucereux pastis à l’absinthe du commerce courant actuel.
    Une partie de pe che

    Cette belle époque et sa bohème pouilleuse aux loques pleines de taches de peinture à l’huile ou d’encres indélébiles laisseront à la Fée Verte la réputation de Muse des Artistes. A-t’il jamais existé une telle entente entre cette bohème inspirée de ces poètes et peintres miséreux et un alcool ? un esprit ? L’union a été parfaite. C’était Héloïse et Abelard, c’était Viviane et Merlin, ou Salomon (dans le rôle de la verte) et la Sulamite (dans le rôle des Rimbauds)…
    Les poètes de la belle époque ont bel et bien disparus avec Elle, c’est un fait, et la poésie trouvera quand-même d’autres esprits consolateurs pour survivre.
    Mais la disparition de la Fée Verte laissera une petite amertume que l’on n’oubliera pas. Ainsi, dans les années 60’, à la suite des Burroughs et des Kerouac, les poètes maudits d’outre-atlantique retourneront en Bohème chercher l’esprit de Montparnasse (la géographie n’est pas une science exacte en Amérique…) et, dans un tchèque approximatif, les poètes ricains tenteront de retrouver l’absinthe dans les zincs praguois… « Pas de problèmes » répondent les tôliers tchèques, « Revenez demain ! ». C’est ainsi que la Fée Verte est revenue dans les bars et est devenue la nouvelle héroïne des clochards célestes aux pays de l’étoile rouge. C’est d’ailleurs la blanche, la vraie blanche, l’héroïne, de ces petits-enfants américains de Rimbaud qui inspirera un nouveau rituel à la Verte de l’ancien monde : l’Absinthe flambée.
    Vous n’avez jamais préparé d’héroïne ? pas grave, ce n’est pas nécessaire. Ici, c’est l’Absinthe qu’il faut verser sur le sucre (qui est encore posé sur sa cuiller percée), enflammer ce sucre dégoulinant. C’est bientôt le verre tout entier qui sera enflammé, et puis lorsque le sucre commencera à caraméliser. Il reste à éteindre l’incendie avec de l’eau fraiche. Le procédé est spectaculaire et le résultat intéressant pour le goût caramélisé caractéristique… La motivation qui a animé l’invention de ce nouveau procédé possède une certaine noblesse (plus que le but mercantile et publicitaire qui est à l’origine du rituel de 1889 en tous cas, on doit le reconnaitre…) et ce rituel barbare qui évoque plus le cirque américano-romain que la fontaine de Barenton à Brocéliande (le site de Viviane) mérite toute notre attention. Je vous invite à l’essayer si vous ne l’avez déjà fait.
    C’est la version 3 du rite de l’Absinthe.
    Ps. Lisez Dale Pendell, le poète des plantes psychotropes et inventeur de recettes d’Absinthes de cette époque en sirotant votre Fairy.
    absinthe flambée

    Comment choisir ?
    Votre accent jurassien ou marseillais trahit votre goût pour une tradition simple, sans fioritures : c’est la version 1 qui vous laissera siroter tranquillement votre anisée haute en couleur.
    Vous avez besoin de temps pour faire les choses, pour les laisser apparaitre dans votre Jacqueline : optez pour une préparation longue sous la Fontaine. Version 2.
    Vous voulez attirer l’attention dans un bistrot et vous ne craignez pas d’être expulsé manu-militari comme un pyromane irresponsable : Osez la version 3 du rituel sans hésiter !
    La fe e rouge

    En fait, les rituels sont multiples, mais les absinthes aussi… entre les Bleues du Val de Travers qui sont hérités du breuvage du XVIII°/XIX° siècle, pas assez amères pour avoir besoin de sucre et que l’on boit donc simplement allongées d’eau comme un vulgaire Ricard (rituel 1) ; entre la Vertu amère de l’Absinthe Belle Époque parisienne qui demande d’être adoucie d’un sirop pour révéler toute sa profondeur aromatique (rituel 2) ; ou encore la brutalité du monde moderne qui s’exprime dans les Absinthes ayant souffert de la prohibition, Absinthes brutes aux arômes simples et fumés et excessivement anisées en provenances des moonshiners de la Nouvelle Orléans ou des industries d’Europe centrale ou d’Espagne, Absinthes élevées au Jazz bien sûr (rituel 3), chaque absinthe a son rituel… Vous avez le choix…

    Voici les bonnes façons de préparer l’Absinthe (1 & 2), et la mauvaise (3). Voici la tradition.

    Alors les buveurs d’absinthes sont devenus traditionalistes ? Le traditionaliste n’apparait pas avec la tradition mais il la créé quand il n’a plus d’autres idées, quand il n’a plus rien d’autre à faire… Tant que la créativité vit, la tradition attends son heure. Quand l’époque n’est plus créative, elle peut devenir traditionaliste. C’est peut-être un peu le cas pour l’Absinthe qui vit une renaissance timide.
    Nous chercherons plus tard les raisons qui font que l’Absinthe n’est apparemment plus la Muse des artistes et des créateurs, pour l’heure je voudrais juste rappeler qu’il existe mille façons de préparer son Absinthe. Le rituel est important en ce qu’il permet de relier la boisson avec un élément de sa vie. Il permet de transformer un alcool en un esprit. À chaque alcool son esprit, et son rituel…
    Les chandelles vertes

    Hier soir donc, je buvais mon Absinthe-champagne (une Chandelle Verte très amère) comme Alfred de Musset buvait son Absinthe-cognac… À l’arrivée des premières neiges, je règle ma Verte à la neige saupoudrée de sucre en poudre, ça fait penser à une pâtisserie !
    Cornet neige
    Il existe aussi des gourmets qui ont une science très précise du louche (action de préparer son absinthe pour la faire loucher, c’est-à-dire troubler) tel mon ami René Wanner (Distillerie Absintissimo à Genève et dans le Val-de-Travers) dont j’admire particulièrement la « 68…Harde » qu’il prépare ainsi : en apéritif : 1 dose d’Absinthe pour 2 à 3 parts d’eau (comme notre propre « Étoile d’Argent »), mais en digestif il faut : « Faire tomber quelques gouttes d’eau dans un verre d’absinthe » (il faut voir René préparer sa Bleue et vous comprendrez ce que le mot rituel veut dire !).
    Rene wanner le trouble

    Pour finir, le chemin de l'Absinthe, le vrai, qui mène à notre distillerie de Sarreyer en Valais…
    Le chemin de l absinthe chez edelweiss distillerie

     

     

              Matthieu Frécon, Edelweiss Distillerie, Sarreyer. Mars 2020
     

    Sources : Benoit Noel, René Wanner, Dale Pendell…
    Photos, de haut en bas : Van Gogh, Absinthe Champagne (MF), La discrète du Val de Travers (Marc Thuillier), Une partie de pêche (circa 1900), Absinthe Flambée (MF), Quel rituel pour celle-ci ? Awen Nature, Les Chandelles Vertes (Benoît Noël/MF), René Wanner, Le chemin de la Tuaille, qui mène à notre distillerie… (MF).

            

     

    Absinthes edelweiss distilleriehttps://edelweiss-distillerie.ch/

  • Création du syndicat de défense de la distillation amateure et artisanale

    Pour que vive la tradition de la distillation amateure et artisanale Brulaire-oc-Ill_fini.jpg

    Tout le monde sait que la tradition française de l’eau-de-vie vient de la tradition des bouilleurs de cru. Ces paysans distillateurs sont connus pour avoir du lutter avec une administration toujours hostile depuis le commencement des taxations sur l’alcool (principe fondamental sur lequel on devrait réfléchir), qui entraine inévitablement la fraude.
    La situation s’est tendue toujours plus jusqu’à ce que les derniers privilégiés ne représentent plus de réelle concurence pour l’industrie des spiritueux. L’administration a alors commencée à baisser sa garde et la destruction systématique des alambics a un peu diminuée. En 2003, les syndicats de bouilleurs de crus, fédérés par la FNSRPE ont obtenus une reconnaissance plus universelle et plus juste du droit de produire de l’alcool dans un but non-économique : c’est la nouvelle réglementation sur les bouilleurs de cru.

    En même temps, la distillation artisanale (petites distilleries) a elle-aussi vécu une période difficile due a une politique active en matière de santé publique (lutte anti-alcoolique). Cette politique est responsable de la disparition d’une grande partie des petites distilleries mais n’a pas tellement nuit aux industriels des spiritueux (Ricard, ou les importateurs de whiskies &c…) et la consommation générale d'alcool en France n'a pas diminuée autant que la production artisanale.

    On assiste aujourd’hui à une renaissance de la distillation artisanale (micro-distilleries), et à un léger retour du bouilleur de cru nouvelle manière (depuis la loi de 2003). Il y a donc un retour d’intérêts pour cette activité traditionnelle : la distillation à l’alambic.
    Parallèlement, la loi régissant la distillation artisanale n’a pas évoluée depuis environ… un siècle (le Code Général des Impôts reste fondamentalement le même depuis le début du XX° siècle) ! Son action est maintenant progressivement remplacée par une législation européenne proposée par les lobbies adaptés à la taille de l’Europe : des industriels.
    Ce manque de représentativité de notre passion - l’alambic amateur ou artisanal - est un vrai problème pour l’élaboration des lois qui régissent notre activité. C’est un vrai problème pour nous évidemment, mais aussi pour Bruxelles qui regrette de n’avoir pas d’autres interlocuteurs que l’industrie.

    Nous sommes maintenant nombreux à ressentir le besoin d’un syndicat de défense de la distillation à l’alambic.
    Les syndicats de défenses des Bouilleurs de Cru (FNSRPE) et de Bouilleurs Ambulants restent actifs et continuent leur travail propre, mais ne correspondent pas forcément à la nouvelle génération de micros-distillerie qui émerge depuis environ 10 ans.

    Nous avons donc décidé de former un syndicat de défense des bouilleurs de cru et micro-distillateurs, un syndicat de défense de la distillation à l'alambic.

    Une réunion de travail et festive de création de ce syndicat se tiendra à la distillerie d’Autignac (Hérault) dans les locaux de l’Atelier du Bouilleur le WE de Pentecôte les 20 et 21 Mai.

    Cette première rencontre est ouverte à tous les distillateurs amateurs ou artisans.
    L'ordre du jour sera : Création de la structure légale et organisation des groupes de travaux.
    Le but de ce syndicat sera de créer une structure de communication avec l’administration (douanes, fraudes, Europe…), de fédérer les informations et les achats de matériel, de proposer des formations à la distillation, de participer à des activités culturelles (démonstrations &c…), et de nombreuses autres choses que l’on décidera ensemble ce we de Pentecôte à Autignac.

    Martial Berthaud, le distillateur de l’Atelier du Bouilleur a fait une première lettre que je joins ici Cre ation du syndicat des distilleries artisanales et amateurscre-ation-du-syndicat-des-distilleries-artisanales-et-amateurs.pdf (101.11 Ko), je joins également ma lettre envoyé à tous ceux qui ont répondu au premier appel que nous avons fait pour lancer l’idée de ce syndicat 2 lettre2-lettre.pdf (34.04 Ko). Enfin, vous trouverez ici Horaires penteco te 2018horaires-penteco-te-2018.rtf (17.69 Ko) une grille d’horaires pour les activités de cette première rencontre.

    Pour participer : lisez la lettre de Martial et l’emploi du temps proposé, puis contactez l’Atelier du Bouilleur pour vous inscrire et éventuellement réserver une chambre sur place.

    Merci à tous !

    PS. C’est gratuit, il y a une libre participation pour la nourriture et pour l’accueil (logement &c…). Il y aura bientôt une cotisation pour les participants, mais à l’entrée c’est gratuit…

    PPS. Faites passer l’info. Merci !

    discussions-au-coin-du-feu-jura.jpg

    PPPS : Je donnerai une formation distillation alcool à la distillerie d'Autignac les 2 jours précédents cette rencontre (les vendredi 18 et samedi 19 Mai), renseignements ici : http://www.devenir-distillateur.com/agenda/distillation/distillation-spiritueux-et-autres-elixirs.html .

  • Spiritueux, remèdes ou poisons ?

    Spiritueux, remèdes ou poisons ?Elixir de jouvence du dr satan

    Peut-être avez-vous déjà entendu ce dicton plein de notre moderne sagesse l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. Rien de neuf là dedans sinon qu'au lieu de nous rappeler un principe déjà énoncé par Paracelse il y a 5 siècles Un remède peut devenir un poison et un poison un remède. C'est une question de dosage, le dicton d'antan devient moralisateur et culpabilisant (question de dosage encore…). Mais je ne voulais pas discuter santé publique et gouvernement, mais du sens des spiritueux d'autrefois.

    Pour faire simple, disons que l'art de la distillation des spiritueux en occident vient de 2 grandes sources : Les alchimistes arabes qui nous ont transmis les connaissances de l'antiquité en matière de médecine, et les moines chrétiens héritiés de St. Patrick, héros de la christianisation en Europe à grandes rasades d'eau bénite ("Whisky Beata" en gaélique).
    Les premiers, en bons musulmans, ont développé l'art de la distillation des alcools dans un but thérapeutique plus que simplement convivial et à leur suite,  leurs voisins et élèves Arnaud de Villeneuve et Raymond Lulle au XIII° siècle, et bien d'autres, mais je fais court; nous ont transmis certaines connaissances alchimico-thérapeutiques, en même temps que les termes "esprit-de-vin" ou "eau-de-vie" qui sont assez évocateurs pour qu'on puisse penser que l'alcool de nos maitres orientaux n'avaient que peu à voir avec notre pastis national. La spirituosité a donc grandi en sœur jumelle de la spiritualité et de l'art de guérir.
    Les seconds, les moines de St Patrick ont développés un art de l'élixir salutaire lié au culte chrétien qui fait grand cas de la fermentation (fermentation du blé qui fera le pain, et du raisin qui donnera le vin), fermentation alcoolique pour nous. Cet art de l'élixir devait tout aussi bien servir au prosélytisme propre à la religion si conviviale de Jésus (voir les épisodes de la multiplication des pains, ou du vin dans les évangiles). Les élixirs des moines ont liés les aspects médecine et social (cordial), avec un arrière goût d'esprit saint (n'oubliez pas que St. Esprit est le St. Patron des distillateurs…).

    Entre nos alchimistes, futurs apothicaires, qui distillent l'esprit-de-vin pour leur élixirs alchimiques ou spagyriques pour la santé de leurs clients ou pour leur quête d'immortalité, et nos moines abstracteurs de quintessence qui nous ont laissés de délicieux élixirs que l'on sert maintenant en digestif (comme la Chartreuse par exemple), il nous reste que le spiritueux garde un petit goût de médecine universelle que ne devrait pas négliger nos alcoollègues distillateurs et bouilleurs de cru.

    Qu'est-ce qui fait qu'un spiritueux est un viatique ou un poison ?
    C'est l'esprit ?
    Pas seulement. En France, il est coutume de ne pas mélanger les alcools - qui sont rangés à la cuisine - avec les médicaments - qui restent à la pharmacie. Les suisses sont moins hermétiques et leur connaissance de la nature les encouragent à préparer leurs alcools avec des plantes médicinales en ayant conscience de cet aspect santé en valeur ajoutée à leur boisson. La frontière sera moins épaisse entre les deux alcools (boissons et remèdes) et il est possible de concevoir une boisson qui, en plus d'être bonne, pourra aussi être reconnue pour ses vertus thérapeutiques. Je ne sais pas si l'alcoolisme helvète est plus salvateur que la biture franchouillarde, mais je sais que les suisses aiment plus les alcools (de cru) que les français sans que leur foie, leurs gammas GT, ou leur moralité en souffrent.


    Elixir ve ge tal gde chartreuseDe nombreuses boissons célèbres étaient des remèdes avant d'être ensuite vendus au rayon alimentation des supermarchés. Ainsi l'Absinthe, fébrifuge anti-paludisme entre autres… l'Elixir des Chartreux ou, the last but not the least, le Coca-cola (qui reste souverain contre la gastro-entérite et le dérouillage des vieux métaux). D'autres, qui sont peut-être moins attractif au palais ? sont restés chez le pharmacien, telle l'eau de Mélisse des Carmes (qui est un mélange de plantes macérés et distillés comme un spiritueux, et régit par la règlementation des spiritueux). Les élixirs spagyriques des médecins paracelsiens (Paracelse, est un alchimiste et médecin suisse allemand du XVI° siècle), eux, sont restés plutôt discrets, étant trop proches de la pharmacopée classique, laquelle s'est éloignée de ces pratiques trop naturelles pour être modernes.

    Voyons quelques alcools qui enivrent et qui guérissent tout en même temps.
    Absinthe hygienique

    Il y a d'abord les macérations de plantes médicinales, genres de teintures-mères améliorées au niveau du goût. Ainsi les génépis, absinthes, pastis (et oui, à la base les anisés sont appréciés pour leurs vertus thérapeutiques, ou au moins digestives) &c… Ces alcoolats sont parfois distillés, parfois pas. Malheureusement, aujourd'hui la plupart des liquoristes qui produisent ces boissons "hygiéniques" ne font que reproduire les recettes classiques en se laissant guider par leur goût au détriment d'une connaissance des vertus thérapeutiques des plantes. Les recettes évoluent avec les goûts de la mode (l'amer disparait au profit du sucré-douceâtre par exemple). Les distillateurs font souvent le choix de la macération de plantes dans de l'alcool neutre d'origine industrielle. Même bio, un tel alcool n'est qu'un produit chimique sans air, sans esprit et sans vie. Les vertus thérapeutiques qui viennent de la vie et du caractère des plantes ont alors du mal à s'exprimer dans ce liquide conservateur qui est finalement plus proche du formol que de l'esprit-de-vin d'Arnaud de Villeneuve (pas au goût quand même…).
    Mais de belles macérations faites avec des plantes saines dans un bon esprit-de-vin peuvent donner de très bons spiritueux, délicieux au goût, digestes et hygiéniques, et qui peuvent provoquer une ivresse créative (pour l'absinthe par exemple).


    Il y a ensuite les préparations spiritueuses qui intègrent des procédés plus sensibles que mécaniques dans le cours de fabrication tels que la distillation solaire, ou des conditions d'élevage inspirés des alchimistes comme les ondes de formes ou l'emploi d'aimants, de vide &… Ou encore des connaissances développées par la biodynamie : dilutions, observation des phases de la lune &c…
    Ces préparations sont souvent élaborées dans un cadre thérapeutique (remèdes, compléments alimentaires…) et nous quittons malheureusement le cadre de la table et de la convivialité. C'est dommage car cette catégorie de préparations et distillations alcooliques pourraient être intégrées dans la fabrication de spiritueux "hygiéniques" (cette expression que j'ai plusieurs fois employée est un adjectif classique à la belle époque pour mettre en avant les vertus saines de certains alcools, particulièrement l'absinthe) que nous aimerions tous je crois, voir revenir.

    Enfin, il y a des préparations complexes à but entièrement thérapeutique que les arabes nous ont transmis de l'antiquité et qui ont été développées par les médecins-alchimistes jusqu'à Paracelse (1493-1541) qui a sublimé ces pratiques et révolutionné "l'une et l'autre médecine".
    Je suis persuadé qu'une petite formation à cet art de guérir alchimique serait très profitable à nombre de nos liquoristes actuels qui pourraient améliorer leur sensibilité pour la fabrication de leurs spiritueux, et ce n'est pas François Rabelais qui me contredira…

    Je pense même qu'il serait salvateur pour la tradition des alcools de bouches amateurs ou artisanaux que nos bouteilles retrouvent leur esprit, leur âme et ne servent plus seulement à faire oublier les vicissitudes de l'existence dans la biture comme c'est le cas la plupart du temps aujourd'hui.

    La dive bouteille
    Je vous parlerai bientôt de la médecine spagyrique classique, que je pratique dans le cadre de mon activité de distillateur-liquoriste. Je veux juste conclure aujourd'hui en vous présentant deux de mes productions spiritueuses (fabriquées sous la règlementation classique régissant les spiritueux) que je commercialise dans le cadre de ma distillerie Edelweiss Distillerie dans le Valais (Suisse) aux côtés de mes absinthes et autres esprits plus classiques qui égaient les soirées du bistrot de mon village.
    Ils s'agit d'un élixir de Rose fait à partir d'une dilution d'une pierre de rose (Rosa Gallica) dans de l'alcool de rose et de l'eau de rose (que j'ai tout fait moi-même bien-sûr), et d'un petit mélange de plantes sauvages fermentés puis diluées dans un esprit-de-vin distillé au soleil.
    Est-ce que ce sont des spiritueux ? Oui, bien sûr, dans la mesure où mon travail de liquoriste est tout aussi important que ma sensibilité d'alchimiste pour leur mise au point. Et puis en fait, peut-être non dans le sens habituel du terme, vu qu'il n'est pas question d'en boire des verres, mais plutôt quelques gouttes…

     

    Flacons ssrosa et salutaire petit
    La préparation à base de rose s'apelle SelSol Rosa (à gauche). SelSol renvoie au procédé de fabrication qui est une préparation spagyrique à base de Rosa Gallica diluée dans de l'eau de rose et de l'alcool de rose. C'est un spiritueux au sens légal du terme qui satisfait aux usages de la profession, mais il semble que l'utilisation puisse se raprocher des produits de bien-être (mais c'est déjà le cas pour l'alcool de consommation courante n'est-ce pas ?) et l'ingestion de quelques gouttes semblent aider à la libération des dépendances telle que le tabac, ou les dépendances affectives (deuil, séparation…). Une prise de quelques gouttes est en général suffisante.
    Comme tous les spiritueux, cet élixir est déconseillé aux femmes enceintes (même quelques gouttes).
    Comme l'Orangina, il faut secouer le flacon avant usage.
    5ml. Alcool : 20 % vol.

    Le Salutaire (à droite), est une préparation de plantes sauvages telles que Plantain, Chardon Marie, Bourrache &… fermentés sous diverses formes, puis dilués dans un esprit-de-vin bio et nature. De même que SelSol Rosa, c'est une préparation conforme aux usages de la profession de distillateur-liquoriste, et il semble que son utilisation (quelques gouttes une à trois fois par jour pendant un à trois jour au besoin) aide à combattre les virus à cycles courts tels que la grippe, la gastro, certaines otites &c… Il semble qu'il ait aussi une action positive dans la régulation du système glandulaire-hormonal et aide particulièrement au bon fonctionnement de la thyroïde et à combattre le syndrome de Hashimoto. Dans ces cas, quelques gouttes sur la langues une fois par semaine semble suffisant.
    Comme tous les spiritueux, cet élixir est déconseillé aux femmes enceintes (même quelques gouttes).
    Comme l'Orangina, il faut secouer le flacon avant usage.
    5ml. Alcool : 20 % vol.

    Vous excuserez le ton prudent que j'emploie pour rapporter les effets rapportés de ces deux préparations, mais je suis bouilleur ambulant et non médecin ou pharmacien et chacun son job, le mien, c'est de fabriquer mes petites dives bouteilles et le leur, c'est d'en causer mieux que moi et d'en prescrire.

    Ce qui ne m'empêche pas d'en vendre : ils coûtent 17 CHF en Suisse ou 15 € en Europe, les frais de ports (1 ou 2 flacons) sont de 1 CHF pour la Suisse et 5 € pour l'Europe.
    Règlement par Paypal, virement, ou chèque. Commandes par mail à matthieu@edelweiss-distillerie.ch

     

     

  • C'est la Pentecôte, c'est la fête !

    La Saint-Esprit

     

    Un verre de saint esprit

     

    La relation entre spiritueux et spiritualité est depuis longtemps établie, même si les buveurs modernes ne se sentent pas toujours concernés…
    Dans la chrétienté, depuis St. Patrick (inventeur de l'Eau Bénite, Whisky Beata en gaélique) jusqu'à nos modernes Chartreux, bien des moines et bien des curés ont étudiés la question de la spiritualité en bouteille, dive bouteille pour être précis.

    Et bien aujourd'hui c'est la Pentecôte, la Saint-Esprit, et Saint Esprit, tout Dieu soit-il, est aussi le patron des distillateurs.

    Ce "Saint", aussi connu soit-il comme participant à la Sainte Trinité, n'est pas si reconnu comme St. Patron, mais il faut dire que la profession toute entière des meneurs d'alambics n'est pas aujourd'hui chantée à sa juste importance (ce qui ne lui en enlève en rien). Il est temps pour nous, distillateurs, bouilleurs de crus ou liquoristes d'invoquer Saint-Esprit pour rétablir l'alambic à sa place de choix dans une société chrétienne (oui, oui, je sais, mais quand-même l'esprit ça compte !).

    Que St. Esprit soit donc présent dans tout spiritueux honorables, et laissons les Rabelais nous donner la litanie pour le chanter.
    Je vous laisse fêter cet évènement (le 4 Juin donc)…

    Vois-je double ? Aurais-je trop fêté ?

    Il se trouve que la fière profession d'alambiqueur alcoollogène qui a déjà bien du mal à se laisser gouverner par un patron, fusse Esprit, se trouve maintenant dans la joie de fêter deux fois la présence patronale avec un autre Saint calendrié, bien plus canon que le premier (le premier d'ailleurs qui n'a pas attendu l'aval d'un pape pour se trouver dans le calendrier des Bouilleurs). C'est Saint Louis, qui est aussi le patron des barbiers.
    C'est très bien d'avoir 2 patrons (c'est un peu trop pour moi quand même), mais en fait, puisque les barbiers étaient des genre de chirurgiens, appendices du corps médical en fait, je suggère de laisser le patronage de St. Louis (qui fût passablement rasoir dans sa politique plutôt moralisante) aux distillateurs de plantes médicinales et nous saurons toujours l'invoquer pour guérir les excès de spirituosité dus au culte de Saint-Esprit. Saint-Esprit, le Saint qui ne se laisse pas mettre en boite (mais en bien flacon).

    Pour ne fâcher personne remettons quand-même le couvert pour la fête de Saint Louis le 25 Août, il ne faut pas s'en priver !
    Bonnes fêtes à tous !

       Matthieu
    (la prochaine fois on parlera du St patron des douaniers histoire de rire)

  • L'Absinthe Ordinaire

             L'Absinthe OrdinairePicasso la buveuse d absinthe de tail

              L'Ordinaire est-elle l'Originelle ?

    La légende de l'Absinthe, l'Herbe Sainte, la fée et muse des peintres de la belle époque et déesse des fontaines légendaires trouve probablement sa source dans les nuées olympiennes. L'Arthémisia Absinthium et ses cousines (armoises, génépi…) fût d'abord utilisée par les brasseurs celtes, les moines chrétiens et les sorcières médiévales (Artémis est la déesse de la féminité libre). Elle entre à l'époque classique dans la composition de recettes de spiritueux aux buts ambiguës qui servent parfois à la biture et parfois à la santé. L'Arquebuse ou la Chartreuse en sont des exemples (je reviendrais plus tard sur cette autre verte célèbre).

    On raconte qu'un certain Docteur Ordinaire fuyant les révolutionnaires avinés (toujours cette querelle entre le rouge et la verte…) s'installât dans le Jura Suisse, à Couvet où il fréquenta une certaine dame Henriot avec qui (je me fais un roman, vous me pardonnerez…) fût élaborée une certaine boisson apéritive aux vertus thérapeutiques. Cette combinaison gagnante (à la fois boisson et remède) sera souvent rééditée, par Coca-cola par exemple…
    Bref, il semble que l'histoire de la recette originelle inventée par le bon docteur soit une légende, et que les spiritueux amers à base d'absinthe se soient simplement développés à cette époque (fin XVIII°s et XIX°s..) en France et en Suisse sous l'effet de la mode et de l'activité dynamique de quelque liquoriste probablement jurassien.
    Alors, si l'absinthe Ordinaire n'existe finalement pas, ce qui n'étonnera personne, quelles sont les recettes historiques de l'absinthe… extra-ordinaire ?

    La liqueur célèbrissime entre toutes fût interdite pendant près de 90 ans en Suisse comme en France, son souvenir est resté très vivace tant les artistes français de la belle époque l'ont chantés ou peints…
    Lors de son retour sur la scène au début du siècle, de l'eau et du pastis étaient passés sous les ponts de Pontarlier et d'ailleurs, les goûts et les couleurs avaient changés, et la nouvelle Verte, ou Bleue chez les Hèlvêtes (chez qui elle est d'ailleurs souvent blanche) hésita quelque peu entre une tradition quelque peu mythique et une modernité passablement ennuyeuse. On trouve aujourd'hui plusieurs écoles :
    L'Absinthe du Jura Suisse du Val de Travers (qui mérite une étude à part, on y reviendra), est assez identifiable : elle est souvent blanche, assez anisée, les suisses la boivent en général sans sucre (et donc sans cuiller). La Verte française est plutôt verte, anisée et souvent riche en arômes. Les arômes sont plus diversifiés et l'on trouve des liqueurs atypiques de toutes couleurs. Il y a aussi les vermouths allemands, plus amers qu'anisés et peut-être plus proches des Vertes des vertes années. Enfin, la liquoristerie moderne et globale propose des absinthes originales inspirées des cultures et des marchés du monde, parfois très fines (Japon, Amérique…). Les absinthes espagnoles ou tchèques ont été crées pour des questions de marché et ne correspondent pas vraiment à une culture. Elles ne sont d'ailleurs pas immortelles à mon sens.

    Val de travers la socie te de consommation

    La Société de consommation, secret du succès de l'absinthe du  Val-de-Travers, Suisse. En haut : Picasso : La buveuse d'Absinthe, détail.

    N'ayant jamais goûté à une absinthe de la grande époque, j'ai toujours pensé que l'amer a toujours dominé, alors que l'ère du pastis a favorisé la douceur sucrée de l'anis. En fait, l'anis est une plante médicinale majeure (c'était aussi la base du Tamiflu :-) ) aux vertus apéritives et dont l'arôme est très complémentaire de l'absinthe et j'ai bien l'impression que les absinthes étaient à l'époque tout aussi anisées qu'aujourd'hui.

    Benoi tComme je suis en train de monter une distillerie d'Absinthe dans le Valais suisse, j'essaie toutes sorte de recettes pour toucher les cœurs des buveurs d'aujourd'hui (et avec l'espoir secret d'inspirer une nouvelle génération de Van Gogh ou de Rimbaud…). J'essaie bien sûr les veilles recettes classiques à défaut d'être "ordinaires". En voici une que publie le héraut actuel de la Fée Verte, Benoît Noël, dans "Un mythe toujours vert : l'Absinthe" à l'Esprit Frappeur, 2000 (jolie petite maison qui a publiée l'un de mes livres de chevet : "Travailler ? moi, jamais !" par Bob Black). Cette recette vient du "Nouveau dictionnaire des sciences et de leurs applications" (XIX°s.).

    La recette est assez curieuse, mais comme souvent avec les vieilles choses, il n'est pas forcément facile de comprendre ce que l'auteur à voulu dire (alors que c'est souvent le sens premier qu'il faut suivre, en dépit de notre incrédulité - manque de confiance envers la sagesse des anciens). J'ai décidé de suivre la recette à la lettre, et de juger sur le verre ensuite.

    La recette :
    Grande Absinthe sèche et mondée : 2 500 gr.
    Hysope fleurie sèche : 500 gr.
    Mélisse citronnée sèche : 500 gr.
    Anis vert pilé : 2 000 gr.
    Alcool à 85° : 16 litres.

    On fait macérer le tout dans la cucurbite d'un alambic pendant 24 h. Après addition de 15 litres d'eau, on distille jusqu'à ce qu'on ait recueilli 15 litres de liquide, c'est-à-dire un peu moins de la moitié du liquide employé. On ajoute 40 litres d'alcool à 85° et 45 litres d'eau. On laisse reposer pour clarifier la liqueur, qui a le volume de 100 litres. On colore avec un mélange de safran et de caramel. On peut faire varier le goût de la liqueur par addition au mélange précédent de plantes diverses telles que la menthe poivrée, le fenouil de Florence et de la coriandre. Quelle que soit la recette suivie, on obtient une liqueur dont le goût plaît à un grand nombre de consommateurs.

    Mes commentaires :
    La liste de plantes est très simplifiée, mais on a ici la base de la recette. L'idée de faire une macération de 24 h. est intéressante, bien que ce soit surtout adapté aux plantes (feuilles…), alors que l'anis supporterait une macération plus longue.
    L"alcool à 85° est bien adapté pour une extraction essentielle et rapide. L'ajout d'eau à la distillation est nécessaire si l'on n'est pas pyromane. Le distillat contient donc l'alcool de départ.
    Je ne comprend pas trop le pourquoi du rajout d'alcool à 85° et d'eau après macération et distillation, il me semble que les arômes vont être dilués par cette opération. Il me semble que pour avoir un maximum d'arômes sans excès, il faudrait plutôt adapter les rapports plantes/alcool et faire macérer/distiller le tout ensemble. Nous verrons que l'expérience semble indiquer que j'ai raison.
    Le d° final est proche de 45°, ce qui est faible pour une liqueur à diluer avec un sucre sur la cuiller rituelle, mais c'est peut-être un indice que cette absinthe était à boire pure ou peu diluée, probablement sans sucre.

    J'ai divisé les quantités des plantes de la recette de base pour avoir une macération dans 180 ml. de bon esprit-de-vin maison (vous ne savez pas le faire ? voyez ici : http://www.devenir-distillateur.com/blog/technique-de-distillation-des-alcools/on-ne-peut-plus-acheter-d-alcool-a-la-pharmacie-comment-faire.html) à 85°, auquel j'ai rajouté 320 ml après distillation pour obtenir 500 ml de Verte blanche. Distillation à la tête de maure (on en trouve ici : http://www.ebay.de/itm/Destillierapparat-mit-Erlenmeyerkolben-2000-ml-/310481032695?clk_rvr_id=1085871860334&rmvSB=true).

    Voici les tests des deux alcools obtenus :
    Le premier, juste distillé et non dilué comme indiqué en fin de recette : préparé selon le rituel consacré : verre, cuiller, sucre… Joli louche pâle, arôme très anisé et peu profond. J'ai l'impression d'une recette pratique pour l'industrie et la consommation brute, la boisson n'est pas extrêmement fine…
    Le second, après dilution dans l'alcool à 85° pour avoir la proportion plantes/alcool de la recette (l'eau est rajoutée à la préparation) : pareil en moins louche et moins aromatique, quelques faux-goûts de plantes apparaissent.
    Je ne vois pas bien le sens de cette recette mais il est intéressant de connaitre la pratique de l'industrie de l'absinthe de la grande époque. Je pense qu'il en faudrait plus aujourd'hui pour relancer l'inspiration artistique au XXI°s. …

    Les absinthes que nous mettons au point maintenant dans le Val de Bagne (ma nouvelle distillerie) et qui seront prêtes pour la cuiller à l'automne prochain contiennent une trentaine de plantes médicinales et aromatiques la recette tourne autour de celle-ci. Le but du spiritueux restant la qualité de l'ivresse, il est important que les plantes aient un intérêt aromatique et médicinal. La combinaison élixir/boisson est essentielle, cela évite les aller-retours inutiles entre la pharmacie et la cuisine ! Les plantes fraiches sont évidemment plus vivantes, plus actives que des plantes sèches. L'esprit-de-vin issue de vins natures et bien distillés compte beaucoup pour l'assimilation des principes et pour la digestion.
    Je vous donnerai une recette avec son procédé un peu plus tard quand ce sera prêt. On vous fera une recette spéciale "devenir-distillateur"… (mais vous pouvez ajouter vos recettes en commentaires si vous voulez partager).

    En attendant : d'autres recettes dans mon bouquin l'Alambic, l'Art de la Distillation, Alcools, Parfums, Médecines (http://www.devenir-distillateur.com/pages/acheter-le-livre/) qui contient une belle contribution de Benoît Noël. Sur Benoît et sur la Fée Verte, son site : http://bnoel.herbaut.de/

    Et puisque l'on parle de Benoît Noël, voici un très joli article qu'il m'a consacré : http://bnoel.herbaut.de/devenir-distillateur/
    Ape ro chez benoi t noe l

    Au-dessus : souvenir de l'apéro chez Benoît…

    Les essais :

    Vue ae rienne sur le labo

    L absinthe pre te re gle e a la neige suisse

    En haut : Vue aérienne sur le labo… En dessous : la Verte (qui est jaune) fraichement distillée à gauche, le verre prêt pour la dégustation, le bocal contient la neige suisse pour le réglage (indispensable ! exigez la Neige Suisse !).
    Plus bas : Le Buveur d'Absinthe

    C a a l air louche

  • Les Eaux-de-vie de la vigne

    Les familles d'eaux-de-vie de raisin

    Quelques pistes pour s'y retrouver, quelques conseils…

    Pour commencer cette petite série sur les spiritueux, je vais vous parler de ce que je fais (c'est plus facile et plus fiable…)
    Dans le midi, le Languedoc plus exactement, je distille principalement les fruits de la vigne.

    Le raisin donne 3 catégories d'eaux-de-vie :

    • Les eaux-de-vie de raisin : on met les raisins égrappés ou non à fermenter dans un bidon, quand c'est prêt, on distille comme n'importe quelle prune ou autre fruit. Ces eaux-de-vie peuvent être plus ou moins fruitées selon le cépage. Le muscat ou le grenache peuvent donner d'excellentes eaux-de-vie blanches (qui ont vieillies dans une bonbonne de verre ou un fût en inox), mais la plupart des cépages seront trop neutres pour être bus sous cette forme : il faudra les faire vieillir en fût de bois (chêne le plus souvent) ou les utiliser pour faire d'autres spiritueux (liqueurs, vins de fruits, pastis, absinthe…).
    • Les eaux-de vie de vin : on presse le raisin avant (pour les blancs) ou après (pour les rouges) fermentation, on distille le jus. Ce sont les Fines, les Cognacs, Armagnacs et autres Brandy (vin "brûlés", c-à-d. distillés). Ces eaux-de-vie n'ont en général pas assez de caractère pour être bues blanches : on les élève en fût la plupart du temps (le fait que les eaux-de-vie de vins soient assez neutres est un atout pour un mariage facile avec le tonneau). Il y a des exceptions à cette tradition d'eaux-de-vie de vin ambrées, de plus en plus et l'on trouve maintenant des Cognacs et des Armagnacs blancs, ainsi que des fines de cépage (par exemple, la fine de Terret que j'ai distillé pour le domaine La fontude à Brénas), souvent fruitées. Ma Fine de Muscat, souple et fruitée, en est un autre exemple. Ce sont les eaux-de-vie blanches de vins peu fruitées qui fournissent les meilleurs alcools "neutres" destinés aux préparations (liqueurs &c…)
    • Les eaux-de-vie de Marcs, enfin, sont très connues : marcs de gewürtzraminer ou de muscat d'Alsace, Grappas italiennes, marcs de Bourgogne… Ces marcs sont les résidus du pressurage du raisin. Ils contiennent beaucoup d'éléments solides (rafle, pépins…) qui leur donne un caractère très puissant. Ils peuvent être traités comme des fruits : dans ce cas, les fermentations sont courtes et la distillation n'attend pas, les eaux-de-vie seront alors fruitées et feront des eaux-de-vie blanches (l'Alsace fournit les meilleurs expemples) Les cépages sont des cépages fruités, souvent issus de raisins blancs. En Bourgogne, et dans d'autres régions, on a l'habitude de laisser les marcs fermenter longuement en silo, marcs de raisins rouges. Ces eaux-de-vie sont moins fruitées et sont élevées en tonneau (eaux-de-vie ambrées).

    Blanches ou Ambrées ?
    Vous avez compris, les eaux-de-vie de caractères sont en général bues blanches, les autres, plus souples et plus neutres ont droit à un long élevage en tonneau. Pour les blanches, l'élevage dure quelques années : le temps que l'alcool et l'eau se mélangent et que les arômes s'y retrouvent., Pour les ambrées, traditionellement, plus le temps passé sous bois est long, meilleurs c'est. Dans une certaine mesure, c'est vrai : complexité, mariage alcool/bois &c… augmentent, mais c'est au détriment de la simplicité (qualité souvent négligée) et du fruit et les plus nobles ne sont pas toujours les plus agréables. Je travaille au développement de techniques permettant d'allier les qualités du bois (rondeur, douceur, sucrosité…) avec celles des eaux-de-vie blanches (fruité) avec des passages en bois plus brefs. Les zones du palais ou de la gorge éveillées par ces deux familles ne sont d'ailleurs pas les mêmes.

    Le degré
    On remarque que le degré alcoolique des spiritueux a une tendance générale à la baisse : même le bouileur de cru qui réglait autrefois sa gnôle (ne voyez dans ce terme aucune marque péjorative à ce joyau du patrimoine rural que j'admire pour de nombreuses raisons qui dépassent les qualités gustatives) à 50° bien tassés descend aujourd'hui sans regrêts, ou presque, jusqu'à 45° (degré habituel en Alsace). Pour une fois, c'est l'industrie des spiritueux qui a amorcé le mouvement, mais pour des questions financières plus qu'autre chose.
    J'étais partisan des réglages à 45°, mais je dois reconnaître que j'apprécie plus maintenant les degrés plus faibles (sauf pour certaines eaux-de-vie de caractère très puissant, comme mon eau-de-vie de pomme-de-terre -non commercialisée).
    D'une manière générale, une mauvaise eau-de-vie est toujours trop forte, mais cela ne vient pas de l'alcool, mais du manque d'arômes qui produit un déséquilibre.
    Il y a un art de choisir le degré très précis qui convient à chaque eau-de-vie, je reconnais avoir négligé cette attention qui est une spécialité rare chez les distillateurs (c'est très difficile à gérer). Je propose deux eaux-de-vie de vin assez proches, l'une (Fine Faugères 2000) est réglée à 45° (45%vol) ce qui rajoute à sa noblesse et sa puissance, longueur &c…, l'autre (Fine Faugères 2005) est descendue à 40°, ce qui met en valeur son fruité et la rend plus souple et facile. Je n'ai d'ailleurs pas de préférence entre les deux (vous pouvez essayer les deux ;-).

    Les arômes
    Indépendamment de la pureté des arômes (qualité de la matière première, pureté de l'eau de réglage, et malheureusement aussi, adjuvants et caches-misères divers), des types d'arômes, et de l'équilibre arôme/alcool qui est capital, je voulais noter une chose simple et qui n'attire pas souvent l'attention : certaines eaux-de-vie blanches sont plutôt mono-aromatique comme la poire ou le muscat, alors que d'autres sont beaucoup plus complexes (comparez muscat et grenache, ou pomme et poire sur ce plan). Les eaux-de-vie plutôt mono-aromatiques sont moins facilement moyennes, elles sont soit excellentes, soit sans intérêt.
    Les eaux-de-vie vieillies en tonneau sont forcéments plus complexes, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours à leur avantage, mais les rend plus plus facilement moyennes, et plus faciles à apprécier. Allier complexité et excellence n'est pas une chose simple. Les eaux-de-vie complexes sont plus exigeantes au niveau de l'équilibre fruité/corsé.

    A quelle température boire ?
    René Dumay dans son Guide des alcools rappelle les 5 façons d'améliorer ou de boire un mauvais alcool : édulcorer (sucre), aromatiser (plantes…), boire vite, mettre en tonneau, et, boire froid.
    à de rares exeptions (la framboise par ex.), la plupart des bons alcools se boivent à température ambiante. Essayez, et choisissez, je n'ai de meilleur conseil…

    Quelle quantité faut-il boire ?
    Heu, là en fait, vous voudrez bien m'excuser mais on m'appelle… je reviens très bientôt !

    Merci de m'avoir bu…
    Et merci de visiter ma boutique !
    Matthieu