eau-de-vie

  • Lettre à un jeune distillateur

    À un jeune distillateur

    « Il ne faut pas mélanger les grands-ducs et les bois-sans-soif. Oui monsieur, les princes de la cuite. Ceux avec lesquels tu as bu le coup des fois mais qui ont toujours fait verre à part. Ils sont à cent mille verres de vous. Sur leur caravelle, sur leurs tapis volants, ils tutoient les anges. »
    Audiard, Un singe en Hiver, 1962.

    D’abord merci pour les échantillons de tes premiers distillats que j’ai reçu l’autre jour. Cinq essais que j’ai pris le temps de déguster.

    Il n’y a pas de défaut particulier dans ces travaux, ça te rassurera sans doute : on est dans une époque où l’on a peur de mal faire : peur d’être pris en défaut et peur d’empoisonner les clients (encore que je crois que cette dernière peur est plutôt une posture qu’une réelle attention dans bien des cas). Donc, de ce côté-là, pas de problèmes : c’est propre.

    Je vais détailler ailleurs chaque flacon, mais je voudrais commencer par développer un aspect qui, je crois, manque dans ces échantillons. Je ne dis pas que tu n’as pas cette attention, je ne te connais pas, mais en tous cas, les échantillons que tu m’as envoyés n’ont pas ce caractère essentiel qui répond à la question : Pourquoi boit-on ?

    Le buveur moderne, un peu branché, dira qu’il aime découvrir les arômes des gins ou des whiskies qu’il collectionne. Il aime classer les arôme selon les critères du moment : les « botaniques » chez les gins &c… En fait, il collectionne. C’est ludique, récréatif.
    Pour ce marché, ce sont les gins, whiskies, voire vodka, qu’il faut viser. Les Chartreuses peuvent faire partie de ce genre de public, avec plus de profondeur toutefois. Le problème de la Chartreuse, s’est qu’elle est maintenant très chère et qu’il n’y a qu’un fabricant (pas de comparaison ni de choix possible). Avec la Chartreuse, on est dans un monde aristocratique pré-révolutionnaire, ce qui ne correspond pas forcément avec l’esprit moderne, urbain, libéral et mondialiste dans lequel évolue le buveur de gin moderne (Je développerai plus tard pourquoi je dis que le Gin est un alcool moderne, urbain, libéral, et mondialiste). J’ai l’impression que tes flacons cherchent à s’intégrer dans ce courant.
    Ce courant des alcools modernes comme les gins, whiskies &c… (Ces alcools sont anciens, mais ils savent s’intégrer dans ce monde moderne, libéral et récréatif) sont majoritaires dans la consommation de l’alcool aujourd’hui. Ces alcools, aujourd’hui, sont considérés comme des drogues (dans le même sens que le tabac, l’héroïne ou le crack) et la politique lutte, ou fait semblant de lutter, contre sa consommation. Les droits indirects (c’est-à-dire les taxes sur le tabac, l’alcool, et les jeux) sont normalement destinés à cette lutte (en réalité, ils servent surtout à payer les contrôleurs -les douanes- dont le sens de leur travail pourrait de ce fait être remis en question…).
    Cette situation, l’alcool-drogue a débuté avec une loi de Napoléon qui créé un statut spécial pour les médicaments qui sépare le métier de pharmacien des parfumeurs et des liquoristes (1802). Avant cette loi, le liquoriste-distillateur préparait aussi des remèdes et des parfums. Il faisait des distillats qui servaient autant à la santé qu’au bien-être et à la convivialité. Aujourd’hui, tu as celui qui fait la biture (le distillateur), celui qui fait l’apparence (le parfumeur), et celui qui prétend réparer les dégâts des deux premiers : le pharmacien. En réalité, c’est la création du métier spécifique de la pharmacie qui a enlevé aux deux autres la connaissance de la santé dans la liquoristerie et la parfumerie.
    La Chartreuse dont je parlais précédemment est au départ un remède autant qu’un aliment. C’est une recette élaborée dans la tradition d’avant 1802.

    Mais ces questions ne t’intéressent peut-être pas d’abord, toi qui découvres la distillation des spiritueux et qui a peut-être quelques inquiétudes sur le positionnement de ta future start-up sur le marché ?
    Alors, il te faut quand-même savoir que je ne suis pas compétent pour parler des produits d’appels, des techniques de marketing et de la com. Je ne sais pas non-plus dire que tel ou tel spiritueux va marcher, que tel ou tel est dans les clous de la législation &c… Je n’ai aucun intérêt pour ce genre de chose qui à mon avis appartiennent à une société décadente qui va survivre encore quelques années sous perfusion avant d’être mise en terre pour le plus grand bien de la planète et de l’humanité.
    Non, ce qui compte pour moi, c’est l’esprit. Ce qui compte, c’est que lorsque tu bois ton alcool, ton corps est fort, ton esprit s’illumine, et tu sais que c’est bon pour toi. Tu sais que ça a un sens, que la vie a un sens, et ça te donne l’espoir et le courage. Ce n’est pas juste un alcool récréatif et superficiel pour oublier un instant que la vie moderne n’a pas de sens… Ce n’est pas forcément un instant grandiose ! Cela peut jouer pendant une partie de cartes avec ses amis… Cela peut inspirer un poète, mais aussi accompagner une vie simple et discrète. Un spiritueux doit amener un sentiment sublime.

    Il y a deux éléments pour produire cela : l’alcool, et les plantes éventuelles que l’on ajoute.

    L’alcool n’est pas une simple molécule d’éthanol. Pour les alchimistes, l’alcool est le principe vital qui s’est coagulé pendant la fermentation des fruits. Chaque fruit (raisin, canne, ainsi que les grains et les tubercules…) a des caractéristiques que l’on ne connait pas encore bien et leurs molécules d’éthanol respectives ne vont pas provoquer la même ivresse. L’origine agricole des fruits produira également des effets très différents (culture intensive ou au contraire micro-ferme en bio-dynamie par exemple) De plus, la méthode de distillation (pression ou pas, cuivre ou inox &c…) ne permet pas la même dynamique de la molécule (sens giratoire, énergie &c…). Enfin, la magie de la personnalité du distillateur, son âme, aura une influence déterminante à défaut d’être quantifiable (mais elle est reconnaissable).

    Donc, si tu es un adepte de l’alcool industriel, voire de l’utilisation de vodkas &c… bon marché, je ne peux pas te suivre : tes travaux pourront être bien fait, ils n’auront pour moi aucun intérêt (et c’est le cas des tiens, mais maintenant, tu pourras décider de ce que tu veux faire : être bon, ou être unique comme tu es unique de toutes façon !).

    L’autre paramètre est les plantes utilisées, s’il s’agit d’alcools de plantes : gins, vodkas, absinthes &c…
    Ces plantes ne sont pas ajoutées simplement pour leur goût, comme un repas n’est pas composé simplement pour créer un tableau pour le palais : le repas, même gastronomique, sert d’abord à entretenir la santé. De même, les plantes, avant d’être aromatiques, sont avant tout médicinales. Il faut avoir quelques notions d’herboristerie pour faire des bouquets heureux pour le corps. Un pastis n’a pas le même rôle qu’un gin ou une Chartreuse… Il y a des plantes apéritives, d’autres digestives, d’autres encore dépuratives, toniques &c… À mon avis, lorsque l’on démarre une distillerie de gin, absinthe ou autres, il est important de cultiver un minimum les plantes que l’on utilise. Même si c’est quelques mètres carrés, juste pour des essais, des tisanes et la cuisine, cela permettra de mieux les connaître. Ensuite, tu développeras un style plus personnel pour tes recettes et tu sauras mieux choisir tes fournisseurs.

    Et la technique ? Le feu, les coupes &c… Ces choses dont on parle souvent sont importantes, mais facile à acquérir. De plus, elles ne sont pas si importantes qu’on le dit. Il est rare qu’on reproche à une Chartreuse d’avant-guerre ou à une Bénédictine du XIX° siècle son taux de méthanol… Par contre, il est clair que ces alcools anciens bénéficient tous de distillations artisanales (et non industrielles) faites à partir de matières premières issues de micro-fermes (et non de programmes agricoles standardisés organisés par des bureaucrates à l’échelle nationale). Ça fait une grosse différence…

    Pour conclure, la technique ? c’est simple et secondaire. Il faut juste pouvoir justifier devant les contrôleurs et les journalistes d’un savoir-faire béton, mais ce n’est pas le plus important.
    Le plus important est de savoir que tu peux faire des spiritueux qui ont un Esprit puissant qui fera du bien au buveur. Des spiritueux qui seront bénéfiques pour son esprit et pour son corps. Il saura les boire sans « modération » : juste la bonne dose qui fait que le remède ne se transforme pas en poison.
    Le plus important, c’est de savoir que tu peux faire ça, et de savoir ce que tu veux faire avec ça.
    Si tu comprends ça, tes clients te raconteront les belles soirées qu’ils ont passés avec tes distillats.

    Un jour au bar de mon village, un voisin vient se mettre au zinc à côté de moi et m’a dit « Matthieu, ton absinthe, elle est bonne, elle ne fait pas mal à la tête, et en fin de soirée, les discussions deviennent plus intéressantes ».
    Merci voisin ! il y a tout dans ta phrase : le bon goût, la bonne santé, et la bonne ivresse… (vous pouvez remettre dans l’ordre d’importance : 1. ivresse, 2. santé, 3. goût).

    Je t’ai saoulé ? Tu voulais juste avoir un rapport de dégustation ?
    Le voilà, mais c’est secondaire : Tu sais distiller, ce n’est pas difficile. Maintenant, il te reste à trouver ce que tu veux offrir à la société avec tes spiritueux, et te donner les moyens (courage) de le faire.

    (Le rapport de dégustation proprement-dit suit dans un courrier séparé)

    Matthieu Frécon, Sarreyer, Octobre 2024

  • Congrès 2016 des bouilleurs de cru et des bouilleurs ambulants !

    Le Congrès annuel des bouilleurs !

    C'est comme la réunion annuelle des druides dans la forêt des Carnutes… Cette année, c'est en Normandie, haut lieu de distillation, et les rapports entre bouileurs et gabelous a certainement été l'une des sources d'inspiration pour les créateurs des aventures d'Astérix…

    Cette vénérable réunion réunit les deux syndicats concernés par la distillation amateure ou artisanale : les bouilleurs de cru (FNSRPE) qui sont les amateurs passionnés, et la fédération des bouilleurs ambulants, qui sont les distillateurs qui distillent pour la plupart des premiers.

    Outre les gueuletons assemblées générales de chacun des syndicats, il y aura des conférences et sans doute des dégustations…
    Les visiteurs sont les bienvenus et vous trouverez les renseignements sur le site de la
    FNSRPE.
    Logo fnsrpe

    En plus des représentants des syndicats, et peut-être ceux des douanes, il y aura aussi nos amis suisses : M. Etter, le directeur de la Régie Fédérale des Alcools vient de prendre sa retraite et ce sera son successeur Marc Gilliéron, qui représentera nos voisins. Les suisses ont toujours apportés une attention toute particulière à la production des eaux-de-vie qu'ils considèrent comme étant un élément du patrimoine national. C'est la Régie Fédérale des Alcools qui se charge de la formation et de l'information des bouilleurs familiaux, et qui est à l'origine du premier livre sur la technique de distillation "moderne" en français. Voyez plutôt : https://www.eav.admin.ch/eav/fr/home.html (si on avait ça chez nous…).

    Ça tombe en pleine récolte et distillation de roses, je n'y serai donc pas malheureusement…

    Alors, bon congrès !

     

    La Fédération Nationale des Bouilleurs de cru et la Fédération des Bouilleurs ambulants organisent le congrès National à BAGNOLES de l'ORNE.

    Les 29,30 Avril et 1er et 2 Mai 2016 à BAGNOLES de l'ORNE

    Accès à Bagnoles de l'Orne

     

  • Tribulations d'un alambic amateur

     

    Tribulations d'un alambic amateur... ou d'un amateur d'alambic... dans l'océan indien.

    Par Tom


    Je me présente, je suis un modeste alambic, de contenance 10L maximum, mais je préfère rester sagement à 7 ou 8L. J'ai été conçu dans la plus pure tradition de la sainte Bidouille : un tuyau de gaz butane et un petit refroidisseur en inox récupéré sur une CEC (matériel de chirurgie cardiaque). Je baigne généralement dans un grand seau d'eau que mon patron s'efforce de garder fraîche. Vous allez me demander : « et pour la chaudière? » hé bien, comme mon patron a tendance à avoir la bougeotte, qu'il tient pas 2 ans à la même place et qu'il voyage léger, il m'a dès le début annoncé qu'il fallait pas que je m'attache à mes marmites (ni que les marmites n'attachent… tout court, d'ailleurs). Alors il me trouve une cocotte différente à chaque fois. J'y trouve un certain intérêt comme tout mâle, mais comme en amour, l'harmonie prend toujours un peu de temps et le temps... la vie est courte ! Dommage ! En attendant, on se marre bien avec mon boss! , on ne bouille jamais la même chose, et on découvre toujours de nouveaux arômes, rarement très réussis, mais toujours riches de questionnements et de projets...ce qui reste au fond le plus important pour nous deux !alambic-personnel-de-l-ocean-indien.jpg

    Je vais vous parler de nos tests, échecs et réussites. Notre approche, se veut le plus scientifique possible, c'est pourquoi, suite à de longues soirées d'études extrêmement scrupuleuses, le seul critère que nous ayons retenu pour pondérer protocolairement une réussite, c'est la durée de vie en bouteille ! Certains détracteurs nous ont proposé de nous baser sur l'analyse sanguine de mes enzymes hépatiques (GGT, TGO, TGP ) mais les biais étaient trop nombreux nous sommes restés sur l'empirisme cartésien sus-cité.

    Pour ce qui est du mode de distillation, nous avons pour habitude de distiller en deux passes, de manière très lente. Mon diamètre intérieur étant de 6mm, le nectar parfumé que je délivre ne doit sortir qu'en très mince filet, parfois au goutte à goutte rapide.
    Comme nous débutons et ne voulions pas d'intoxication à quoi que ce soit d'autre que l'alcool, nous avions pris la sotte habitude de couper les têtes à la première et à la deuxième passe. Agissements rectifiés depuis.

    Nous avons essayé l'ananas, la goyave, le goyavier, la mangue, le letchi (ou litchi), le jus de canne, la Dodo (bière de la Réunion) et le miel.

    Pour le coté soit disant technique, je vais passer la plume à mon boss, s'il arrive à se souvenir !

    Hum ! hum, bonjour à tous, je crois que je dois vous parler de nos essais de distillation ? Mmmm, voyons, par où commencer ?

    Tout d'abord, sous ces latitudes, la température dépasse allègrement les 20°C, et le concept de la cave à 13°C ou de la clim n'est ni dans nos moyens ni nos goûts. Nous préférons les cabanes en tôle branlantes à l'ombre des pieds de coco. C'est particulier mais c'est ça qu'on aime; Mais du coup, la conduite d'une fermentations dans des conditions parfaites est un doux rêve. Et comme il faut bien par ailleurs gagner sa croûte, le moût a parfois eu à patienter une semaine ou plus avec des cycles thermiques variant entre 12 et 40°C ( température sous tôle) avant de passer... à la marmite ! Un chouette bouillon de culture avec probablement des fermentations aléatoires et tout azimut !

    Pour l'ananas :

    Il a fait les frais de ma novicitude, et d'un traitement pas très« tradi » mais bon, c'est comme ça, c'est le passé !
    Les fruits ont été pelés coupés en morceaux, allongés d'eau minérale et, ô travail de sagouin : mixés avant d'être ensemencés de levures sélectionnées.
    La fermentation a vite démarrée (fruit sucré et acide) et les parfums fleuraient bon, augurant d'un distillat aromatique.
    Une fois l'activité quasi nulle, le moût est passé à la marmite : d'abord le jus et ensuite les morceaux.
    Le résultat ? Un bon rendement, une déception à la dégustation, peu d'arômes malgré une ambiance très parfumée lors de la chauffe.
    J'ai décidé de ne pas tout de suite boucher hermétiquement les bouteilles (un bouchon en papier absorbant) et quelques jours après, j'ai noté une légère amélioration, mais sans toutefois la puissance espérée. Problème de distillation ? Coupe des têtes et queues trop large ? Attente trop longue en fut de fermentation ? Alambic inadapté ? Oxydation due au léger mixage qui aurait injecté de l'air dans le moût ? Plein de choses à corriger !
    L'Anangnôle ?Une réussite très moyenne, potentiel peut être intéressant mais d'accès sans doute pointu !

    La Goyave
    La goyave ! Un fruit qui me fait penser au coing par son parfum extraordinaire, suave et délicat et pourtant très puissant ! Les goyaves sont des fruits très fragiles, qui sont très vite attaqués par les moucherons, et le pied de goyave auquel j'avais accès était non traité, dans une zone humide, infestée d'insectes : moustiques, araignées, moucherons et autres scolopendres. Je suis sorti de la séance de cueillette en me grattant tout le corps !
    La difficulté avec les goyaves est la fragilité du fruit : dès qu'il est mur, il tombe à terre et se fait attaquer par les moucherons. La technique reste le coup de pied dans l'arbre pour faire tomber les fruits à point mais il est quand même généralement trop tard.

    Les fruits ont été rincés à l'eau claire et légèrement écrasés à la main, allongés d'un peu d'eau minérale et … de sucre ! Hé oui, comme le coing, la goyave est très peu sucrée, et si on veut un peu d'alcool (c'était le but je crois au départ), faut en rajouter. Le sucre roux de canne type cassonade se trouve en gros sac dans tous les supermarchés de l'océan indien, c'est celui ci que j'ai ajouté : pour 5kg de fruits, un peu moins de 1kg de sucre dilué dans 1,5 litres d'eau minérale (désolé, j'ai pas pris de notes, faisant ça au « feeling »)
    La fermentation a démarré à fond de bulleur, à y réfléchir, elle m'avait sans doute pas attendu ! Les parfums durant la phase de fermentations m'inspiraient pas grand chose de bien agréable : odeur un peu soufrée peu engageante mais bon, fallait terminer la mission !
    J'ai fait les deux passes protocolaires pour obtenir une eau de vie limpide et très parfumée cependant pas très agréable pour cause d'odeur soufrée. Bouchon au papier absorbant pendant 4 ou 5 jours, bouché étanche ensuite et dégustation deux semaines après : INCROYABLE !! le soufre a disparu, reste un arôme très proche de la rose, un goût très doux sur la langue, sans amertume et une très bonne longueur en bouche. La Goyognôle a beaucoup plu à mes amis si bien que j'ai du mettre de coté une petite fiole pour la postérité car le niveau diminuait régulièrement !

    Le goyavier

    Le goyavier (Psidium littorale ) ressemble à la goyave par son aspect général mais est beaucoup plus petit et de couleur rouge violacé. Lorsqu'il est frais, il a un petit parfum de fraise des bois très léger et un arôme un peu résineux comme celui de la myrte. Il est acidulé, légèrement sucré et un peu âpre, et comme la goyave possède de petits pépins extrêmement durs. Il pousse trop bien à la Réunion ; Trop car depuis son introduction, il colonise inéluctablement tous les biotopes qui s'offrent à lui, détruisant la flore endémique. C'est une peste végétale !
    J'ai mis en fût les fruits tels quels, ramassés un jour de pluie diluvienne donc lavés, sans sucre et sans eau. La fermentation a mis trois jours à être visible et a durée deux semaines, suite à quoi j'ai tout passé dans ma cocotte magique et après deux passes, le résultat était assez intéressant : le parfum de myrte avait été renforcé par la distillation et celui de fraise des bois n'a pas du survivre à la fermentation ou à la chauffe, mais quoiqu'il en soit, le fruit était bien dans le verre, franchement identifiable, surtout coté « myrte ». Coté goût, j'ai trouvé la gnôle un peu trop « sèche » à mon sens. Il est vrai que je n'ai pas un palais très aguerri aux eaux de vies un peu rappeuses et sauvages de nos grands parents ! Mais peut être qu'en vieillissant... Classé dans les réussites théoriques à potentiel intéressant. A travailler!

    La Mangue (histoire d'un échec)

    La mangue est le meilleurs fruits du monde, selon l'unanimité de moi même, position qu'il partage avec le fruit de la passion bien sûr !
    Je rêvais donc de capturer, tel un piètre Alexandre Grenouille, la magie sensuelle de ce feu d'artifice dans un esprit liquide et ainsi l'abstraire à l'outrage tragique que lui porte habituellement le temps.
    Il existe des dizaines de variétés de mangues, des sucrées, des acides, des fibreuses des fermes, des juteuses, des onctueuses, des … extrêmement filandreuses, à passer deux jours avec du fil dentaire naturel, des arômes qui vont de la carotte, à la fleur de frangipanier, en passant par la térébenthine, le citron... La mangue est un festival je vous dit !!!
    Quand à mon expérience, elle reste encore un fiasco cuisant. La mangue reste un fruit cher, même à période de maturité. Elle se conserve très mal. J'en avais acheté une dizaine de kilos, de variété « américaine », celle au parfum le plus gourmand, fleuri, mais pour faire des économies, j'avais pris des fruits déjà bien avancés en age, me disant qu'en excisant les parties abîmées, ça irait ! Mais en fait non. La fermentation commençait déjà pendant que je pellais les fruits (la peau est non comestible parait-il). Une odeur peu agréable de fruits trop mûrs à la fermentation comme à la distillation. Quand au résultat, un eau de vie fade en arôme et en bouche et légèrement écœurante, sans aucun intérêt !
    D'où vient ce coup de Trafalgar ? Il est indéniable que la qualité de mes fruits était très limite et j’espère que c'est là que réside l'erreur. Les parfums de la mangue sont ils si délicats qu'ils ne peuvent survivre à la fermentation ou à la chauffe,  comme ceux de la fleur de frangipanier ? Il est vrai qu'une mangue poêlée n'a plus du tout le même arôme qu'une fraîche.
    Je n'ai pas eu l'occasion de recommencer. Peut être la magie de ce fruit ne mérite-t-elle pas de rester prisonnière d'une bouteille et que son charme vient de là ?

    Letchi

    Un jour, un ami m'appelle d'un air mystérieux : « écoutes, viens m'aider à charger un truc » je le rejoint et il me déclare hilare : « je viens d'acheter 50kg de letchis, on va en faire de la gnôle ! » devant ma mine un peu déconfite, je lui expliquais que ne connaissant pas la composition de la peau et du noyau, il faudrait les peler et les dénoyauter, ce qui représentait pas mal d'heures. En fait, une journée à 4 personne.
    La fermentation s'est passée naturellement, rapidement et sans soucis. Quand à la distillation, le letchis est généreux en sucre, et donc en alcool ! Je n'ai pas retenu les chiffres, mais j'ai fais pas mal de cadeaux ! A cette époque, je ne diluais pas, j'avais peur de perdre en arôme, que le produit précipite, de mal faire... Le résultat était très très fort (devant l'abondance, j'avais largement coupé les queues) mais extrêmement parfumé ! Un bain de Soho ! Peut être trop, c'en était à la limite écœurant. Un réussite ? Peut être, mais je me demande si cette eau de vie n'aurait pas plus d'avenir en cuisine : flambé, sorbets, sauces... qu'en eau... à la bouche.

    Jus de canne

    j'avais commandé à un forain sur le marché 30L de jus de canne à sucre. Avec sa vieille machine, il a mis deux jours à me le préparer. Me restait plus qu'à faire fermenter et distiller. J'ai eu peur que ça démarre trop doucement et qu'il y ait des moisissures, alors j'ai ensemencé avec de la levure tirée de levain du boulanger d'à coté. Cela n'a pas traîné et j'ai pu bouillir le vin de canne en moins de deux semaines. Et là, je dois dire que j'étais très fier ! Mon rhum était bien meilleur qu'un rhum charrette ! L'arôme de canne, vert et frais était bien là, dans toute la bouche et y restait longtemps ! Le seul problème était qu'à la deuxième passe, j'avais un trop fort degré alcoolique, ce qui le rendait un peu... difficile d'accès on va dire. Mon ignorance me retenait pour le diluer, aussi a-t-il fini sa courte vie en ti punch, rhum décollages et autres caîpirina , ce qui n'est pas mal finalement pour un rhum qui ne pouvait espérer aucun contenant digne de ce nom pour couler de vieux jours honorablement et se patiner tel une vieille table de campagne. C'est à l'unanimité des bouteilles vides qu'il s'est octroyé la place numéro 2 de mes essais.

    Dodo

    Lancé à fond dans mes tests, j'achetais quelques packs de la légendaire pils de la réunion : la Dodo, un bière de soif, équivalente à la Kro ou autre. Je décapsulait et vidait les bouteilles dans une comporte, laissais dégazer quelques jours en remuant de temps en temps et en fin de compte, ajoutais une poignée de sel fin afin de supprimer le reste de gaz dissout et enfin passait à ma marmite magique. Le résultat fut très moyen sur le coup.
    Peu d'arôme. Je décidais de faire « respirer » un peu la chose et 4 jours après, c'était la stupeur : un nez de céréales style « la tête dans le bol de corn-flakes », malt, houblon, tout y était, et puissamment en plus ! La goutte finissait en bouche sur des notes de miel ! A l'unanimité de mes amis, des durées de non vie en bouteille et de moi même, la dodognôle reçut la médaille de la plus belle cuite (au sens technique, bien sur. )

    Miel

    J'ai eu l'occasion de récupérer 4kg de miel de cette île magnifique et malheureusement livrée à la cupidité mondiale et la libido dégueulasse de tous les mufles de la terre : Madagascar.
    Un miel de forêt : fort, un peu amer. Je le diluais et l’ensemençait à la levure de boulanger.
    La fermentation devait durer presque deux mois. Je surveillais avec impatience le déroulement des opérations. Je fantasmais sur le futur produit : Le vin de miel sentait divinement bon ! Normal me direz vous : La boisson des dieux ! Mais mon hubris délirante ne dut pas plaire à quelque puissant voisin de l'étage du dessus, probablement vieux, éventuellement barbu, plus ou moins chauve, mais très étonnamment peu porté sur la boisson.( Pourtant j'aurai juré !) Je fus puni. Mon esprit de miel était un alcool quasi neutre, même après quelques jours de traitement au « bouchon sopalin ». Une énorme déception donc, et vu le coût du miel et le respect que j'ai pour les abeilles, je n'en ferait pas mon Sisyphe. Gâcher tout ce bon produit pour si peu !

    Voilà, j'en suis là. Les voyages continuent, les essais aussi ! Youpi ! Il me reste environ, heu.. toute la terre à découvrir !

  • Une journée de distillation

     

    Une journée à l'atelier de distillation

    Notre petit atelier de distillation du faugérois (région de l'appellation "Faugères", située entre Béziers et Bédarieux, dans l'Hérault) est spécialisé dans la distillation des vins : vins de Faugères pour la "Fine Faugères", de Montpeyroux pour la "Fine de Montpeyroux", ou encore la "Fine de Muscat de Frontignan" et autres Eaux-de-vie de vins du Languedoc
    Mais toute l'année, je distille toutes sortes de moûts : des fruits, de la bière, des roses &c…

    La semaine dernière, nous avons eus (moi-même accompagné des bouilleurs de cru et d'alcoollègues en herbes) une journée intéressante : nous avons cuit des figues, du vin de miel, et saccharifiés des châtaignes.

    Les figues :
    le bouillleur de cru charge ses figuesLa fermentation en milieu trop peu hermétique (le couvercle des bidons n'était pas complètement fermé) a produit un moût plus ou moins piqué. De plus, l'une des cuites a attaché au fond de la marmite de l'alambic à feu nu (le très faible degré m'a engagé à pousser un peu trop le feu, fatale erreur qui coûte plusieurs heures de nettoyage). Les prochains bidons seront distillés au bain-marie.



        Le miel fermenté (il s'agissait de lies d'hydromel) distillation de miel fermenté au bain-marieest extrêmement aromatique, comme il colle facilement, je l'ai distillé au bain-marie : la première passe (je distille tout en deux passes) est déjà très prometteuse.

     

    La châtaigne contient beaucoup de sucre potentiel sous forme d'amidon : il faut donc la préparer selon l'art du brasseur (comme les vodka et autres whiskies). La première étape est donc la saccharification. Il s'agit de faire cuire le fruit avec des enzymes en faisant des paliers à des températures précises, spécifiques à chaque matière première. La pâte sucré qui en résulte est alors mise en fermentation avec des levures.
    …Vous aurez la suite au prochain numéro, à la fin de la fermentation !Les fruits épluchés sont prêts à être empatés