bouilleur de cru

  • Distillation des roses 2014

    La distillation des roses sur site

    Distillateur, dur métier…
    La petite saison des roses est toujours un enchantement pour moi : récolte et distillation sur le site de l'eau florale, camping parmi les fleurs…
    Ma propre plantation est toute jeune et ne produit pas encore suffisamment, je pars donc distiller chez mes amis Marie-Laurence et Bernard Million (Roses et délices) à Massac, dans l'Aude sauvage. C'est d'ailleurs avec eux que j'ai commencé le travail sur la fleur des fleurs lorsqu'ils m'ont demandé, en 2007, de distiller l'alcool de leur vin de roses pour en faire des élixirs floraux (les fleurs de Bach).

    Le travail avec la rose est, pour moi, extrêmement enthousiasmant, et à la fois une discipline rigoureuse : la rose est une fleur très exigeante qui demande une perfection dans le travail à tous les niveaux (propreté du matériel, qualité de l'eau, soin dans la cueillette, et bien sûr, une admiration pour elle qui confine à la dévotion pour le plus universel des symboles de l'Amour…).

    Les difficultés techniques propre à notre fleur sont infinies, ce qui explique que les alcools "de rose" soient en général des amélioration chimiques d'alcools de litchis ou tout simplement des alcools neutres aromatisés grâce aux miracles d'une technologie dont notre civilisation moderne est si fière…
    Les pétales de roses sont hydrofuges, mais ne sèchent plus lorsque la distillation est terminée, les tanins puissants de certaines roses (roses de Provins et Gallica principalement) rendent la distillation alcoolique très difficile, même au bain-Marie (c'est terriblement attachant !), pour les alcools encore, la macération des pétales dans l'alcool est assez décevante : les arômes n'apparaissent qu'avec les queues (ils sont liés aux alcools lourds qui suivent l'éthanol)… la seule solution satisfaisante que j'ai trouvée pour les extraire est la fabrication d'un sirop (pétales + sucre cuits dans l'eau), mais là encore, attention, il faut bien filtrer pour isoler le marc avant distillation : ce dernier colle toujours au fond de l'alambic.
    Cette rose finalement vous révèle sa vrai nature : "tout ou rien" est sa devise, la perfection est de mise pour éviter l'échec désastreux. La rose est la féminité incarnée…Le travail des enfantsEau de rose

    Mais revenons à ces quelques jours de bonheur passés en famille dans la roseraie de Roses et Délices à Massac, avec l'alambic, le camion, et le violoncelle (la distillation est une activité qui permet le calme et les loisirs).

    Une déclaration à mon douanier préféré pour signaler le déplacement de la machine (on ne déplace pas sans grandes précautions une machine qui tient en même temps de la cocotte-minute, de la soucoupe volante, et, un peu, de la centrale nucléaire en suractivité émotionnelle) suffit pour cette opération qui n'est pas liée à la production d'alcool (sinon, il aurait fallu que le conseil municipal publie une autorisation d'ouverture d'atelier public de distillation, que les douanes agréent le lieu choisi, qui ne sera pas le lieu de production, sauf dans certaines régions ou c'est le contraire qui se pratique (?). Il aurait ensuite fallu que le distillateur fasse des déclarations aux douanes pour les dates de passage dans le bled, qu'il signale l'identité des bouilleurs de crus, lesquels doivent aller chercher à la recette "locale" (il y en a au moins une par département) le laissez-passer, ils font une description des fruits à distiller et justifient de la provenance. Ensuite le distillateur (c'est-à-dire le bouilleur ambulant) fait une déclaration de déplacement d'alambic (visée avant et après par la recette "locale"), et peut, si l'administration ne s'est pas emmêlée les pinceaux (ce qui arrive à chaque fois qu'une telle opération se met en route pour la première fois), commencer la distillation. A ce moment, il devra se plier aux horaires de travail de l'administration (non, pas les horaires de travail des douaniers eux-même, mais les horaires de travail autorisé définis par les douaniers, il faut quand-même travailler un peu), et remplir les formulaires pour décrire le déroulement des opérations (heure de remplissage, quantité et type de matière première, informations sur le bouilleur de cru, résultat estimé). Il pourra alors mettre en route sa machine de rêve, ou de cauchemar selon que l'on soit bouilleur ou contrôleur, et aura alors un peu de loisir pour surveiller les aller et venues des petites voitures blanches et douteuses qui pourraient circuler (mais non, si vous n'avez rien à vous reprocher, enfin !)…
    Voilà le scénario auquel j'échappais avec mon alambic à PPAM (plantes à parfum aromatiques et médicinales)…

    Je m'installais donc comme je le désirais, à l'heure qui m'a plu, sans craintes ni contraintes, sur le bord de la plantation, près de la rivière… Mon camion aménagé était garé sur le côté.
    Je me sentais juste libre… Je ne me rendais pas compte de la tension permanente dans laquelle je vivais avec mon activité de distillateur d'alcool, toujours à me demander ce que l'on allait avoir à me reprocher, ce que l'on allait encore bien me demander de faire de plus pour avoir juste le droit d'exercer mon activité, toujours à calculer ce que je dois faire pour éviter les complications…

    C'était tellement beau, ces roses, le camping, la rivière, l'alambic chauffé au bois ramassé sur les rives…

    A part ça, il a beaucoup plu cette année, mais bon, c'est la vie…

    A cause des conditions climatiques difficiles, la cueillette n'a pas été idéale et je n'ai produit que 80 litres de bonne eau de rose en 4 jours de travail (la cueillette aurait pu s'étaler sur 3 semaines, mais je ne suis pas un vrai nomade).
    Nous avons eu le (beau) temps de faire quelques élixirs floraux, et quelques macérations solaires de pétales dans l'huile (huiles de soins et de massages). Et des salades sauvages avec notamment l'ail sauvage et les fleurs de la plantation…
    Les roses l'alambic et les amis 1
    J'en ai aussi profité pour prendre un cours d'interprétation musicale avec le rossignol du coin (une bonne leçon !).

    Le bonheur vous dis-je !Days of bach and roses

    Quelques visites ont agrémentées le séjour (il y a toujours du monde pour la cueillette des roses !), notamment celle de Caroline et Michel (Wine-LR), pour un joli reportage qu'ils ont publié ici dans cette revue en ligne : http://www.winelr.fr/home/n-26-special-rose_article_mignone-allons-voir-si-la-rose.html (vidéo), http://www.winelr.fr/home/n-26-special-rose_article_matthieu-frecon.html (article).
    Les roses l'alambic et les amis 2
    Pour finir, avant que j'abandonne mes souvenirs pour retrouver la réalité (en l'occurrence, faire le désherbage de mes propres rosiers), si la vie paradisiaque que peut procurer le travail avec la rose vous attire, je vous signale que Marie-Laurence et Bernard Million souhaitent transmettre leur exploitation (plantation, labo de transformation, locaux). Vous trouverez le détail ici : http://www.leboncoin.fr/ventes_immobilieres/666707365.htm.
    L'heureux repreneur, s'il n'est pas en mesure de distiller seul au début, pourra peut-être me voir pour la belle saison du mois de mai. Je suis évidemment prêt à l'aider dans l'installation de la distillerie des roses Gallica de Massac.

    Cette petite fille n'est pas a plaindre

    Photos : Luc Micola (merci !)

    (Comme d'habitude, passez la souris sur les photos pour lire la légende)

  • Une démonstration interdite

    Pourquoi l'alambic de La Bastide n'a t-il pas distillé pour la fête des SIMPLES à La Bastide de Sérou ?

    Par Matthieu Frécon, un bouilleur ambulant en colère.La distillation interdite de la fête des SIMPLES 2012

    La goutte et l'alambic du bouilleur de cru est un vieux symbole de l'indépendance de la vie rurale. Cordial, médecine, voire monnaie d'échange, l'eau-de-vie a une importance non négligeable qui n'a pas été négligée par l'Etat.

    Le privilège de bouilleur de cru a été longtemps emblématique de cette petite économie parallèle rurale. Supprimé dans les années 60', il a trouvé une seconde vie en 2003 avec une loi permettant à chacun (j'ai bien écris à chacun) de distiller sa propre récolte pour sa consommation personnelle (disons, familiale…). Il n'y a pas de limite de quantité, mais il y a des taxes à payer (avec une remise de 50 % sur les "1000°" soit environ 20 litres d'eau-de-vie). Cette nouvelle mesure est très positive pour que vive la tradition de l'alambic (j'entends par là l'alambic à alcool, l'alambic à plantes aromatiques lui, pour l'instant, continue à bouillir sans trop de soucis).

    Le résultat est une stabilisation de la production de nos alambics ambulants… on est content !

    L'aspect le plus pénible de cette paisible activité (les bouilleurs de cru ou ambulants ne sont pas en général des excités) est l'administratif. En effet, à cause de la récolte des taxes, le bouilleur doit rendre des comptes à la gabelle, aujourd'hui, la douane.

    Le problème avec les douaniers, c'est que pour encore une certaine part d'entre eux, le bouilleur de cru ou le bouilleur ambulant (qui distille pour le premier) est vu comme un élément désagréable qui nuit à la tranquillité de son travail, voire même comme un dangereux narco-trafiquant qui reste à éliminer. Le second problème qui se pose aux fonctionnaires (je généralise, mais je ne devrais pas : la situation s'améliore beaucoup depuis 2003 et la plupart des régions ne connaissent plus les problèmes que je vais vous exposer) doivent appliquer une réglementation absolument inapplicable tellement elle est obsolète, complexe, et décalée de la réalité.

    Heureusement, lorsque la saison est venue (1° octobre : ouverture de la saison de distillation), le bouilleur et son douanier qui se connaissent bien retrouvent leurs petits rituels et l'alambic peut, sans soucis pour personne, se mettre en route comme à l'habitude.

    Sauf que, de temps en temps, on tombe sur un douanier qui se prend pour le législateur en personne et qui décide que vous ne pouvez pas exercer votre activité favorite…

    C'est ce qui est arrivé au syndicat des SIMPLES pour la démonstration de distillation d'eau-de-vie que nous avions prévue de faire à La Bastide ces 29 et 30 septembre 2012.

    Par courrier du 1° août, le directeur régional à Toulouse a très simplement refusé d'autoriser cette démonstration "parce que les services n'étaient pas disponibles".

    Il aurait invoqué le mariage de sa fille ou un rendez-vous au golf, ça aurait eu à peu près la même valeur, mais enfin, il est directeur régional des douanes et il ne va pas s'embêter avec des bouilleurs de cru, dont d'ailleurs la réglementation lui échappe à peu près totalement…

    Au téléphone, ce monsieur à été beaucoup plus clair : il a simplement déclaré que ça faisait 18 ans qu'il était en poste à Toulouse et qu'il n'avait jamais autorisé de démonstration, et qu'il n'allait pas commencer aujourd'hui parce qu'après, ça allait se savoir et d'autres demandes allaient venir.

    Et oui, ça c'est sûr que si ça se sait, ça va se reproduire ! Si ça se sait qu'on a le droit de distiller et de le montrer, on va peut-être en profiter ! C'est qu'aujourd'hui on en a plus beaucoup des droits voyez-vous M. le directeur, alors on voudrait bien profiter de ceux qui nous restent !

    Au téléphone encore, avec moi maintenant, il a été d'une exigence extrême : il m'a demandé de faire une demande d'agrément préfectoral pour distiller en Ariège (j'ai déjà un agrément de la préfecture de l'Hérault et je ne compte pas m'installer dans l'Ariège, ça aurait pu suffire mais bon…), il m'a fait demander une dérogation pour distiller hors de la période annuelle (qui commence le lendemain de la fête), ainsi que pour distiller un dimanche (jour normalement chômé)…

    Enfin, quelques jours avant la fête, il a finalement demandé au maire un arrêté du conseil municipal pour l'ouverture d'une atelier public de distillation (normalement, un courrier du maire seul suffit pour une distillation exceptionnelle) avec les plans du lieu et copie du cadastre (!)…

    La cerise sur le gâteau, lorsque le maire, étonné, l'a appelé, M. le directeur lui a bien spécifié que l'ouverture de cet atelier public avait un caractère définitif et que les Bastidois devraient supporter tous les bouilleurs ambulants qui le voudraient à cet emplacement (en pleine place de village) alors que cette manifestation a notoirement et très clairement un caractère exceptionnel…

    On saura gré à M. le directeur d'être resté dans l'ubuesque et de nous avoir évité le kafkaïen…

    Le résultat, c'est d'abord que la démonstration n'a pas eu lieu, c'est ensuite que la relation entre l'administration et les bouilleurs ne s'améliore pas aussi bien que l'on pourrait l'espérer, enfin, c'est que l'alambic, nous, on y tient encore plus…

    Merci de manifester avec nous votre mécontentement en signant notre pétition.Allo ? LaGoutte ? Je ne vous entends plus ! Vous êtes là ???

    Matthieu

    PS. du 2 octobre :

    La fête des SIMPLES a été magnifique comme à l'habitude, plusieurs milliers de visiteurs sont venus malgré la pluie battante pour visiter les stands, entendre les conférences et participer aux sorties botaniques. Vous connaissez le seul point noir de cette manifestation… Nous avons pu recueillir plusieurs centaines de signatures à notre pétition.
    Personnellement, j'aurais vraiment préféré parler des aspects positifs de la situation entre les bouilleurs et l'administration qui, je le rappelle encore, est normalement, malgré ce fâcheux raté, en constante amélioration.

    PPS. Deux infos tombant à pic qui viennent de deux pays très différent d'une Europe qui est, d'une manière générale plus favorable à la distillation familiale que la France, jugez plutôt…
    D'Espagne :
    Bonjour ,

    Un petit coucou d' Espagne ou la fête de ' l'eau de vie '  ( l' aguardiente ) sera du 12 au 14 octobre  à Prat de comte , en Espagne à quelques km de chez moi…
    Macky
    D'Autriche :
    Vous trouverez sur le lien suivant le compte-rendu du concours national des distillateurs familiaux, lequel est généreusement subventionné par l'Etat (et l'Europe) au titre de la reconnaissance du patrimoine (site en allemand), l'info m'a été transmise par la Régie Fédérale des Alcools que je salue pour son attention pour les distillateurs familiaux et distilleries artisanales (Suisse) : http://www.destillata.at/

    On en tirera les conclusions que l'on voudra…

    PPPS du 3 octobre :
    Vous êtes nombreux à me demander le moyen de signer une pétition en ligne. En fait, j'ai choisi de faire signer une pétition pendant cette fête des SIMPLES, pour marquer le coup, mais pas de lancer un vaste mouvement de contestation. En effet, il ne s'agit pas de véritablement déclencher la révolution mais simplement de montrer notre mécontentement dans cette affaire particulière en espérant qu'il sera bientôt possible de passer à autre chose…
    Si vous tenez quand même à manifester votre soutien (et je vous en remercie), vous pouvez bien sûr laisser un petit commentaire, ça, c'est toujours agréable et utile. Merci !

    PPPPS du 7 octobre :
    La Dépêche du Midi du 6 octobre a publié un article relatant notre mésaventure. Dans cet article bien renseigné, notre Réducteur des douanes donne son point de vue sur cette affaire. Je relève cette perle (sortant de la bouche d'un fonctionnaire de l'administration) : "Ce que M. Frécon, ne comprend pas c'est que la législation n'est pas partout la même en France…"
    En effet, j'ignorais que la France était fédérale… voire féodale peut-être ?

    PPPPPS du 26 octobre :
    L'un des gabelous de nos amis vient de nous informer qu'une petite visite presque amicale de la douane régionale a été effectuée très discètement lors de notre fête… "se déplacer pour autoriser, non, mais pour pénaliser oui ! C'est forcément plus rentable !" a aussitôt commenté l'un des participants (de la fête, pas de la douane). Hé oui…



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